Comédie dramatique de Jean Genet, mise en scène de Arthur Nauzyciel, avec Ismail Ibn Conner, Jared Craig, Xavier Gallais, Rudy Mungaray, Daniel Pettrow, Timothy Sekk, Neil Patrick Stewart et James Waterston.
La mise en scène de "Splendid's" de Jean Genet par Arthur Nauzyciel risque de déconcerter le public néophyte tant de l'oeuvre du premier, souvent réduite à l'homo-érotisme trivial et crasseux entre mauvais garçon considéré comme sulfureux dans les années 1940 avant qu'il ne soit adoubé en littérature, que du travail du second.
En effet, si cette image est tant confortée que démentie par le court-métrage muet "Un chant d’amour" réalisé par Jean Genet projeté en prologue, et si l'argument actantiel de "Splendid's" est réaliste, un enlèvement qui tourne mal conduisant les kidnappeurs à se retrancher dans un hôtel en attendant l'inéluctable assaut des forces de police avec la progression des événements détaillée en direct à la radio, en l'occurrence, par la voix de Jeanne Moreau, la partition textuelle, considérée comme un chant d'amour et de mort, retrace leurs derniers doutes et interrogations métaphysiques.
La note d’intention de Arthur Nauzyciel est sur ce point explicite puisqu'il la considère comme "une danse de mort sensuelle et spectrale" et indique la placer dans la continuité d'"une recherche esthétique entre théâtre et cinéma,qui brouille les frontières entre rêve et veille, réel et illusion".
Dès lors, son "Splendid's" s'apparente à une installation plasticienne juxtaposée au texte. Et tous les parti-pris scéniques tendent à cette dichotomie : la pièce interprétée en anglais par, à l'exception faite de Xavier Gallais incarnant le policier transfuge, des acteurs américains très "organiques" qui ne sont toutefois pas des durs tatoués, même si des tatouages éphémères sont apposés sur leur corps polissé, et leur voix "live" accompagnant une gestuelle chorégraphiée et des déplacements au ralenti qui entrent en résonance avec les pratiques numériques de l'art contemporain, du video art au digital painting.
D'autant qu'implantée dans la monumentale scénographie conçue par Riccardo Hernandez - l'intersection à angle droit de deux murs vertigineux sur lesquels est reproduit le visage de Lucien Sénemaud, l'amant de Genet intervenant dans le film précité, qui, sous les lumières glauques de Scott Zielinski, emprunte aux lignes de fuite des décors du cinéma expressionniste allemand.
Sur l'espace scénique réduit aux dimensions des couloirs desservant les chambres d'un hôtel de luxe, et dans une mise en scène au cordeau, les officiants, terme à entendre dans toute sa polysémie, interviennent donc dans une atmosphère non seulement d'irréalité mais d'inquiétante étrangeté assortie d'une beauté formelle qui introduit une distanciation qui implique non seulement un temps d'adaptation mais une inclination pour cette approche esthétisante.
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