Comédie dramatique de Samuel Beckett, mise en scène de Jean-claude Sachot, avec Philippe Catoire, Jean-Jacques Nervest, Dominique Ratonnat, et Guillaume van't Hoff.
Après sa présentation en 2013* sur l'immense plateau de la grande salle du Théâtre du Nord-Ouest, Jean-Claude Sachot n'a pas cessé de (re)travailler avec les comédiens sur "En attendant Godot", l'emblématique opus de Samuel Beckett,.
En 2016, il investit la plus modeste scène du Théâtre Essaion, et l'opus, qui ne ressort pas à la reprise, se révèle sous un jour nouveau tant sont incarnées les fameuses "carcasses becketiennes".
Et ce, à l'aune d'une note d'intention, "de bonnes intentions !" précise-t-il non sans humour, brève, mais judicieusement synthétique face à l'abondante glose engendrée par l'oeuvre, qui énonce "un immense respect pour l’oeuvre, une vision fidèle à l’écriture, mais qui derrière la recherche du sens, privilégie aussi l’acteur".
Ainsi, il en résulte une scénographie épurée et minimaliste qui respecte la volonté de l'auteur - une route de campagne avec arbre en résonance avec une toile nocturne de Caspar David Friedrich qui aurait inspiré la pièce - tout en l'extrayant de son esthétique romantique avec un arbre-sculpture de Virginie Destiné et, en fond de scène, une toile peinte de ciel réalisée par Aurélien Bédéneau qui évoque, nonobstant son esthétique d'estampe à l'encre de Chine, la mer de nuages d'une autre oeuvre de celui-ci.
Et si Jean-Claude Sachot respecte les didascalies dont est truffée la partition de ce pessimiste joyeux, il use du moindre interstice pour s'octroyer une belle liberté en terme de jeu qui opère sous une focale qui s'écarte de celle traditionnelle de d'une troisième dimension métaphysique et de la licence poétique des vagabonds célestes pour privilégier le meta-théâtre, registre intrinsèque d'une pièce dont les personnages sont conscients de leur propre théâtralité.
"En attendant Godot", ce sont deux vagabonds en guenilles qui passent le temps en attendant l'arrivée hypothétique, et toujours reportée, venue d'un troisième homme, inconnu et mystérieux, une arlésienne certes nommée mais d'un nom prêtant aisément à confusion allitérative, Godot, Godet, Godin, pour une raison et une finalité toutes aussi irrévélée.
Trois antiennes - "On attend Godot", "La nuit ne viendra-t-elle jamais ?", "En attendant, il ne se passe rien" - et des dialogues perclus de leurs sentences et de lieux communs scandent un jour toujours recommencé à l'identique sous réserve de micro-événements que sont l'enfant-messager annonçant le report du rendez-vous, en l'espèce une marionnette confectionnée par Nadine Delannoy qui ajoute au sentiment d'étrangeté absurde, et la halte d'un étrange duo de maître-serviteur.
Celui, placé sous la dialectique ambigüe du lien de soumission, se compose de Pozzo, campé par Jean-Jacques Nervest, le solide colosse aux pieds d'argile et de Lucky, son chétif esclave aux cheveux blancs qui sait penser, interprété par Guillaume van't Hoff, tous deux épatants.
Comédiens émérites et aguerris, Dominique Ratonat et Philippe Catoire naviguent à l'aise dans l'incarnation respectivement de Vladimir et Estragon, ce duo de clowns, larrons en foire parfois saisis par l'angoisse, paire de grands ducs fantasques qui, peut-être, ont partagé loge et scène de music-hall, le premier portant encore les vestiges d'un noeud papillon et d'un frac, dont ils gardent le goût du gag et des pas de danse, partenaires de gloire et de galère en leur bel âge.
Malgré les coups de gueule de Didi et les plaintes de Gogo, ce vieux couple façonné par un pérenne et indéfectible compagnonnage joue encore et jouera le jeu jusqu'aux saluts. Et avant que de suivre la camarde, lui faire la nique en riant une fois encore ! |