Après trois EP dont un live, voici donc le premier album de Teleferik. J’en parle comme s’il arrivait tout juste alors qu’il est en fait sorti il y a déjà six mois. Si le groupe est avant tout un duo, Eliz Murad (chant, basse) et Arnaud Vincendeau (guitare), la formation compte en réalité un troisième membre à la batterie. D’abord variable, plusieurs batteurs venant de formations et d’horizons différents se sont succédés à ce poste, le rôle est maintenant porté par Olivier Hurtu depuis 2014 et l’enregistrement du premier album dont il va être question ici. Ces noms ne vous disent peut-être rien (c’est mon cas), mais il est important de les citer car ils vont probablement revenir régulièrement à vos oreilles pendant les mois et les années à venir.
Bref, assez parlé people, place à la musique.
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Chez Teleferik, on ne s'embarrasse pas de préambule, on rentre dans le vif du sujet dès le début. Et le vif du sujet, c’est de faire de la bonne musique. Du rock avec toute sa mixité, sa capacité à phagocyter les couleurs et les sons du monde, son incroyable appétit. La grande force du rock est de se définir plus comme un état d’esprit qu’un style musical. Bien sûr, on s’attend à trouver des guitares saturées, de la basse et de la batterie. Ne vous inquiétez pas, la base est bien là. Mais dans l’écriture, si les Teleferik puisent dans les racines du genre, ils ne se contentent pas de reproduire le son de leurs aînés. Après un premier morceau instrumental tout en nuances, le chant entre en scène. En arabe. Première surprise. Eliz Mourad passe d’une langue à l’autre, arabe donc, anglais, bien sûr et français. Le terme "métissé" semble bien convenir à la formule.
Eliz chante, hurle, parle, murmure, utilise sa voix comme un instrument aux multiples timbres et joue avec les couleurs des langues pour tisser une identité singulière. S’il m’est difficile de comprendre les textes en arabe, les autres m’éclairent sur le lien puissant entre l’histoire contée par les mots d’Eliz et celle portée par les notes des instruments. Le couleur orientale dépasse alors la langue pour se retrouver dans les accords… avant de laisser place à des thèmes que n’auraient pas reniés les Doors.
Le plus étonnant, c’est que le mariage fonctionne parfaitement. Entre les univers, les origines et les envies des musiciens, le courant passe sans résistance. Tout en énergie et en subtilité (si, si, c’est possible), les trois compères font rugir les guitares, sortent les riffs, et manient avec brio l’art de la rupture. De ce point de vue, le jeu du guitariste Arnaud Vincendeau est particulièrement intéressant. Alternant les longues plaintes, les solos endiablés, les gimmicks presque funky et les moments de silence, il apporte un relief incroyable aux dix morceaux qui composent Lune Electric. On peut d’ailleurs saluer la place accordée aux passages instrumentaux, toujours riches de sens. Pas d’interludes ou d’intermèdes, de moments d’attente entre deux couplets, non. La tension ne redescend jamais vraiment et on reste accroché jusqu’au dernier son.
[] Stop
Je ne saurai dire si Teleferik dessine l’avenir du rock, ni même s’ils seront encore là dans deux ans. Beaucoup se sont cassé les dents sur ce genre de pronostique. Mais je ne peux que l’espérer. D’abord parce qu’on sent qu’ils ne sont pas de ces musiciens qui vont se reposer sur une belle réussite, mais plutôt de ceux qui se remettent inlassablement en question et en danger parce que c’est là qu’on s’éclate le plus. Ensuite parce qu’ils nous font du bien en nous rappelant qu’on peut faire du rock et de la bonne musique, ce n’est pas incompatible. Enfin parce que le rock a besoin de se renouveler sans cesse tout en conservant son feu originel. Et chez Teleferik, il brûle fort.
# 05 mai 2024 : Profitons des ponts pour lire, écouter, visiter, applaudir...
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