Réalisé par Woody Allen. Etats Unis. Comédie dramatique. 1h36 (Sortie le 11 mai 2016). Avec Jesse Eisenberg, Kristen Stewart, Steve Carell, Blake Lively, Parker Posey, Corey Stoll, Ken Stott et Anna Camp.
A chaque année son millésime allenien et le cru 2016, "Café Society", projeté hors compétition en ouverture du Festival de Cannes, reçoit un adoubement critique unanime.
Est-ce une (bonne) raison pour le voir en bravant la dictature intellectuelle des cinéphiles pour lesquels Woody Allen est au cinéma que ce que Marc Lévy est à la littérature ?
Assurément pour le spectateur qui, entre drame politique et documentaire social, aspire à la déconnexion du réel, à 96 minutes de pur divertissement et à une immersion régressive dans le conte de fées pour grandes personnes immatures. A l'instar des fraises Tagada qui donnent mal au coeur mais dont l'addiction amène à finir le paquet.
Avec Woody Allen, le cinéma fait son cinéma et "Café society" ressort au film chromo qui plonge le spectateur dans l'univers mythique et mythifié des années 1930 en forme de balade dans des lieux emblématiques aussi factices qu'un décor de studio pour suivre le périple d'un jeune juif newyorkais victime du rêve californien dont les péripéties sont narrées en voix off par le réalisateur lui-même.
Ainsi "Bobby goes to Hollywood" et constate que, sous les paillettes et le glamour, l'herbe n'est pas plus verte mais y découvre l'amour, un amour qui restera inaccompli. Mais comme dans les comédies à la française sur le thème du triangle amoureux, la belle, la belle a déjà un amant, l'oncle de Bobby agent artistique en vue atteint du démon de midi.
Selon l'adage, l'homme propose et la femme dispose, si son coeur semble hésiter, sa raison, de modeste plébéienne rurale qui a connu les affres de la crise de 1929 et ex-starlette ratée, préfère l'homme d'envergure à l'homme au devenir improbable qui n'a que sa jeunesse pour viatique. Un choix opportuniste qui n'érige pas cette "love affair" en amour raté ou en amour impossible propre à émouvoir les amateurs d'harlequinades.
Double déconvenue donc pour Bobby dont le retour "at home" s'avèrera salutaire. Car la romance se déroule sur fond de saga familiale, une famille juive pittoresque, métaphore de la diaspora juive américaine avec les parents du Bronx, et un père bijoutier de quartier, le frère aîné gangster qui ouvre un club où se côtoient mafieux, politiciens, millionnaires et jolies filles et finira sur la chaise électrique, la fille middle-class qui a épousé un intellectuel communiste et l'oncle qui a réussi dans le show business.
La distribution est judicieuse avec en tête d'affiche, Jesse Eisenberg, aussi convaincant en jeune timide et exalté qu'en gérant de club établi, et Kristen Stewart, petite-fille de Mia Farrow, visage lisse et nude de fausse ingénue et robes de petite fille à col Claudine.
Emaillé d'aphorismes alléniens, de répliques faisant la part belle à l'humour juif et d'un habillage musical jazzy, le film qui bénéficie des superbes décors de Santo Loquasto, des costumes impeccables sans faux pli de Suzy Benziger et, surtout, d'images léchées magnifiées par le directeur de la photo pluri-oscarisé Vittorio Storaro., s'avère léger et volatil comme une bulle de champagne.
So what ? A l'année prochaine... |