Réalisé par Pedro Almodovar. Espagne. Drame. 1h39 (Sortie le 18 mai 2016). Avec Emma Suárez, Adriana Ugarte, Daniel Grao, Inma Cuesta, Dario Grandinetti, Michelle Jenner, Rossy de Palma et Pilar Castro.
Malgré plusieurs participations au Festival de Cannes, le désormais largement sexagénaire réalisateur hispanique Pedro Almodovar, à qui, physiquement, siéent les années et le poil blanc, n'a jamais obtenu la Palme d'Or, qui constitue pourtant, depuis quelques années, le sacre du troisième âge.
Et, sans surprise, ce n'est pas en postulant avec "Julieta", un mélodrame romanesque compassé et désincarné, qu'il pouvait espérer décrocher celle du millésime 2016.
En effet, en contre-emploi faisant fi du baroque et de l'humour allant jusqu'à travestir une de ses égéries rescapées en rance éteignoir, Rossy de Palma en femme de ménage, il quitte les pénates de la comédie "movida" débridée pour se contraindre à l'exercice du drame classique en transplantant en Espagne plusieurs nouvelles de l'octogénaire et nobélisée novelliste canadienne de langue anglaise Alice Munro qui s'inscrivent dans le registre du "suspense au féminin" d'une des collections Harlequin.
A la suite inopinée avec une amie de sa fille perdue de vue depuis des années, l'ami comme la fille, Julieta, une séduisante cinquantenaire trendy chic (la pulpeuse et sexy Emma Suárez), écrit une lettre-confession à cette dernière qui relate les événements majeurs de sa vie, avec les gens de son entourage qui tombent comme des mouches, à partir d'un atypique voyage en train en sa jeunesse, quand elle était une jeune prof pseudo-punk chic (Adriana Ugarte jolie comme une muse), au cours duquel elle fut conçue.
Le dernier Almodovar en date, s'il peut plaire aux spectateurs amateurs de ce genre, déçoit par le scénario qui procède d'un empilement pléthorique tant d'intrigues singulières que de thèmes, ceux de la culpabilité, de la fuite, la mélancolie voire de la dépression, comme échappatoire au principe de réalité, du mutisme, dont il est difficile de savoir, faute d'historicisation du personnage éponyme, s'il s'agit d'une difficulté de communication ou d'un trait de caractère, et du vrai faux secret, dont une seule était propice à une adaptation cinématographique, et, de surcroît, concentrés un même personnage ce qui nuit, sinon à leur crédibilité, du moins à leur vraisemblance.
De même pour la réalisation qui opte pour le procédé le plus statique et ennuyeux de la narration à grand renfort d'ellipses et flash-backs. Le directeur de la photo Jean-Claude Larrieu livre, scandées par des vues frontales de taxis, de superbes images pour agence de tourisme avec de magnifiques paysages de la Galice à la Suisse, en passant par l'Andalousie, les Pyrénées espagnoles et les rues madrilènes.
Et mention spéciale au chef décorateur Carlos Bodelón pour les scènes qui se déroulent dans des intérieurs pour magazines de décoration - "Maison Côté Sud" pour la coquette maison de pêcheurs, boîte "Teva Déco" pour l'appartement vintage et "AD Magazine" pour l'appartement au minimalisme high tech - avec, en sus dans ce dernier, une ponctuation appuyée sur un intellectualisme arty avec des références culturelles internationales telles pour la photo l'album Magnum, le théâtre avec l'affiche du Théâtre de la Ville de "The Old woman" mis en scène par Robert Wilson et l'autoportrait du peintre Lucian Freud.
Comme quoi tout cela ne fait pas le bonheur. |