Ari Thór, fraîchement émoulu de l'école de police, trouve sa première affectation à Siglufjödur, une petite ville de pêcheur auquel on ne peut accéder que par un tunnel étroit, au point le plus septentrional de l'Islande. Totalement isolée par la neige en hiver, en raison de sa population restreinte, "il ne se passe jamais rien à Siglufjödur".
Siglufjödur échappe en partie aux règles communes. Les habitants ne ferment jamais leur porte à clé. La cohabitation relève du bon sens et de l’obligation de vivre les uns avec les autres afin de maintenir un ordre profitable à tous. On y dénombre quelques centaines d’habitants et seulement trois policiers. Dans le froid et la nuit polaire, le crime n’a pas sa place quand la neige et l’environnement imposent à chacun un comportement routinier et casanier. Cette perception des confins de la Terre et le sentiment d'oppression que ressent le jeune policier débarqué de la capitale Reykjavik sont restitués à merveille. Le seul fait de vous immerger avec streetview dans les rues de Siglufjödur, cette bourgade entourée de montagnes en pierres de lave noires et au fjord aux eaux sombres, vous donnera quelques indices sur l'atmosphère de Snjór.
La tranquillité de ce lieu isolé est soudain perturbée par la découverte dans la neige de son jardin du corps poignardé et à moitié nu d'une des habitantes. Quelques jours plus tard, la mort brutale d'un vieil écrivain alcoolique, gloire locale de la ville, ne semble pas tout à fait naturelle. La claustrophobie et la paranoïa d'Ari Thór, exacerbées par les éléments, tranchent avec la naïveté et la désillusion qui semble animer des habitants au quotidien invariable. Il est l’élément perturbateur qui va percer à jour les non-dits, les histoires particulières et les secrets.
Grand amateur de whodunits, et traducteur en islandais de romans d'Agatha Christie, Ragnar Jónasson signe un roman soigneusement construit. Autour de quelques personnages, aux noms imprononçables, Ragnar Jónasson alterne les points de vue et embarque le lecteur sur quelques débuts de piste qui s'avèrent rapidement être des culs-de-sac.
Au-delà de l'intrigue, Ragnar Jónasson trace le portrait d'une Islande rurale, loin du pouvoir central de Reykjavik et du "miracle économique" islandais qui s'est effondré comme un château de carte suite à la crise des subprimes, où l'économie de la pêche ne suffit plus à maintenir l'économie du pays à flot. En outre, son écriture est efficace, sans digression inutile, et reste concentrée sur les éléments de récit. Ce huis-clos à ciel ouvert accroche rapidement le lecteur, se lit avec facilité, et même se dévore en quelques heures. |