Réalisé par Na Hong-jin. République de Corée. Thriller. 2h36 (Sortie le 6 juillet 2016). Avec Kwak Do-Won, Hwang Jeong-min, Chun Woo-hee, Jun Kunimura et So-yeon Jang.
Coup de poker réussi pour Na Hong-jin dans le registre du néo-thriller coréen hybridé avec le cinéma d'horreur variante gore qui, avec le très long métrage "The Strangers", livre un sidérant royal flush en opérant un empilement syncrétique assumé de toutes les peurs, superstitions et croyances venues du fond des âges obscurs qui forment une effrayante nébuleuse autour de la thématique centrale universelle et intemporelle, celle du Mal.
"The Strangers", c'est "Panique à Goksung" : dans un petit village du fin fond de la Corée du Sud sis dans un grandiose paysage post-édénique subissant les déluges de la mousson, se déroulent des événements aussi étranges qu'horrifiques. Une maladie bubonique inconnue infeste certaines personnes qui, ensuite, atteintes de folie meutrière, déciment leurs proches tout en manifestant une violence cannibale.
Devant l'impuissance des médecins, la démission de l'Eglise et l'incompétence de la police locale composée de trois "bras cassés" dont Jong-gu (Kwak Do-Won), grand gaillard replet au visage poupin qui n'a pas inventé les baguettes, et aussi couard que cossard, la seule réponse possible est celle de l'action du diable, des mauvais esprits ou d'un fantôme.
A moins qu'il ne s'agisse d'un homme. Vite un bouc-émissaire, et par chance, il y en a un tout désigné, un étranger récemment arrivé, et de surcroît un Japonais, figure exécrée de la nation qui, pendant quatre décennies a asservi le pays de manière particulièrement violente.
Bouc comme la mascotte de Belzebuth et cependant le vieil homme vivant en ermite dans la forêt (Jun Kunimura) montre un impassible visage zen d'innocent à qui on donnerait le bon Dieu sans confession (sic). Et puis qui est-cette femme séraphique de blanc vêtue qu'il semble être le seul à voir ?
Jong-gu sort de son apathie quand le corps de sa petite fille se couvre de bubons. Alors à quel saint se vouer dans un environnement encore profondément sous emprise de croyances animistes ? Au chaman, bien sûr, et ses rites magiques.
Mais le cinéaste-scénariste aime jouer avec le spectateur et la structure de sa partition, instillant indices et clés qui déverrouillent autant qu'ils verrouillent les pistes, évoque celle des jeux vidéo de course-poursuite. En l'espèce, la lutte contre le mal mais les dés sont pipés et le spectateur navigue au gré des errements de Jong-gu, prototype de l'anti-héros qui, de surcroît, se trouve toujours saisi d'ahurissement.
Du Grand Guignol à l'épouvante, Na Hong-jin use de tous les codes formels pour flouter la frontière entre le réel, le cauchemar et l'hallucination et carapaçonner son vrai propos qui ressort à la fable métaphysique sur la consusbtantialité du mal et le manque de foi de l'homme contemporain.
Au demeurant de nombreux inserts bibliques la traversent, à commencer par l'incipit sur le doute des apotres face à la résurrection du Christ. Une fable sans happy end. L'Apocalpyse n'est pas pour demain, elle a déjà commencé. |