Il en va parfois des histoires de groupes comme des histoires d’amitié. Throws en est un parfait exemple avec ses airs de retrouvailles entre vieux amis séparés il ya longtemps. Ces vieux amis sont Mike Lindsay et Sam Genders. Tous les deux ont fondé en 2003 Tunng, fabuleux groupe de British Folk où l’électronique tient une place importante, du folktronica si l’on veut.
Ce qui était avant tout conçu comme un projet de studio entre les deux musiciens s’était rapidement transformé en sextuor, d’abord pour la scène puis à temps plein, pour terminer en une sorte de collectif. Et puis la pop avait petit à petit chassé les divagations et autres expérimentations, explorations électroniques, et Sam Genders avait fui la routine et était parti voir si l’herbe était plus verte (fluo ?) du côté de Diagrams.
Presque dix années ont passé depuis Good Arrows leur dernière collaboration. Mike Lindsay est allé s’installer à Reykjavik, a sorti un excellent album solo sous le nom de Cheek Mountain Thief en 2012 et participé de près ou de loin aux disques de Speech Debelle, Low Roar, Serafina Steer, Hannah Peel, Farao, Jae Tyler… et Sam Genders a déménagé à Sheffield. Des chemins pour le moins différents. Loin des yeux, mais jamais loin des oreilles ou du cœur.
Curieux de savoir à quoi pourrait ressembler leurs retrouvailles musicales, et sans aucune pression, Genders est parti rejoindre Lindsay en Islande. Throws aurait donc pu s’appeler Tunng. Ce n’est pas le cas. Le choix de monter un nouveau groupe est un geste marquant. Car c’est fort de leurs diverses expériences, de tout ce substrat musical et avec l’aide du quatuor à cordes Amiina (collaborateurs fréquents de Sigur Rós), du batteur Magnus Trygvason Eliassen et de Sigurlaug Gísladóttir (Múm) que Throws puise tout son intérêt. Ce mélange de synthé vintage, de folk et de Northern Soul, d’arrangements travaillés, de psychédélisme, de musique électronique et de post-rock si l’on pousse un peu. On retrouve l’écriture luxuriante de Genders et la production créative de Lindsay. Quelque chose de vivant, où les notes, les rythmes, tels des organismes intelligents, grouillent. Il y a du groove, de la fragilité, de la sensibilité, des respirations et pour les paroles une inspiration par la nature (humaine et végétale), la mer, les bars, l’Islande et ses pécheurs.
Eclectique, ce Throws est souvent beau, jouant avec les tensions, la mélancolie, oui souvent beau. "The Harbour", "Silence In Between", "High Pressure Front", "Under The Ice" ou "Sun Gun" l’acmé de ce disque le sont, pour des raisons différentes (l’émotion qu’elle véhicule, l’écriture…). Les deux musiciens, rappelant ce qu’a pu faire en son temps Fairport Convention, continuent simplement avec ce disque de dessiner les contours d’un folk moderne, accessible et inventif.
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