Décadence et résignation
Fin 1978. Michael Corleone reçoit à Rome une haute distinction éclésiastique pour ses nombreuses contributions en faveur du Vatican. Lors de la réception qui s'ensuit, ou tout le clan Corleone est réuni, arrive Vincenzo, le fils de Sonny que Michael a contribué à faire assassiner. Vincenzo demande à voir son parrain Michael, pour lui demander de régler un différent entre lui et Joe Zaza, un second couteau un peu trop gourmant. Passant outre le passé et pressé par son épouse, Michael accepte. Rapidement Vincenzo se rapproche de sa cousine Mary, la fille de Michael.
Avec ce film, Francis Ford Coppola a réalisé la seule fin possible à la saga du " Parrain ". Il s'est laissé emporté par sa verve latine, n'a placé aucune bornes, a traité son sujet jusqu'au bout.
Résultat, un chef-d'œuvre à la hauteur des 2 films précédents agrémenté de tout ce qu'il peut y avoir d'oppressant, de captivant et d'inéluctable dans la fin d'une histoire, mais en plus le film le plus ouvertement italien de son réalisateur. Nous sommes très proches de Visconti, la mort s'étant déplacé de Venise en Sicile.
Tout respire ici le retour aux sources, le bilan. Les scènes les plus poignantes se passent en Italie, comme la confession de Michael au futur pape Jean-Paul 1er et bien d'autres. Et puis la souffrance. Peut-être celle de Coppola. Le cri de Michael sur le parvis de l'opéra de Rome pourrait bien être la traduction de la souffrance de Coppola qui n'a jamais été ménagé durant sa carrière à Hollywood : Faillite des studios Zoetrope suivi d'une cascade de bides.
Mais il serait trop aisé de dire que Coppola ne se sent à l'aise que plongé dans cette saga qui lui a apporté la consécration. Ce serait omettre des années d'efforts pour un cinéma ambitieux, inventif et toujours admiratif pour les oeuvres des ainés, Huston, Ford ou Nicholas Ray.
Cette fois-ci, il nous invite à revoir Visconti ou DeSica. D'autres ainés, un autre cinéma, presque un autre art. Les autres arts que le cinéma, Coppola les connaît par cœur : La peinture (quelle photo de Gordon Willis !) mais aussi l'art lyrique, l'opéra où se déroule toute la fin du film et le théâtre (la fin shakespearienne !). Il se permet même le luxe de relire la mythologie et l'histoire des Atrides.
Cette atmosphère artistique très relevée permet au spectateur de faire vagabonder son esprit et s'interroger sur lui-même. Le côté chute de l'empire romain, inéluctable décadence, sourde résignation évoque le film somme, le film d'une fin de vie, témoin la dernière scène, monument de sobriété, ou nous ne pouvons réprimer notre chagrin.
Il est des films sombres, magiques, insidieux et flamboyants. Des sagas magnifiques. Il est des fois ou même ses sagas deviennent légendes ou les affrontements entre les personnages (nul superlatif ne saurait décrire avec justesse l'interprétation de TOUS les acteurs) nous touchent au plus profond. Alors la légende devient réalité, à jamais et c'est elle qui reste gravée pour les siècles à venir.
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