Comédie dramatique écrite et mise en scène par Gérard Watkins, avec Hayet Darwich, Julie Denisse, David Gouhier, Maxime Lévêque et Yuko Oshima.
Fallait-il se démarquer du titre du film-somme d'Ingmar Bergman en changeant "vie" par "violences" ou le travail conçu par Gérard Watkins aurait-il pu le reprendre tel quel, simplement affublé de l'année en cours ?
Car, qu'on le veuille ou non, associer "violence" et "conjugale" tient forcément du pléonasme. Aujourd'hui, à l'ère post-industrielle numérique, c'est le "vivre ensemble" qui crée inéluctablement de la tension, de la violence. Décrire des "Scènes de la vie conjugale 2016", on le redit, c'est la même chose que de s'intéresser à des "Scènes de violences conjugales".
Prenant deux couples "modernes", c'est-à-dire ne s'appairant pas de manière endogame, mais ayant laissé faire le hasard sociologique d'une rencontre fortuite et n'ayant pas vu qu'il n'y avait pas forcément là de quoi conclure à de claires affinités électives, Gérard Watkins aboutit à un résultat catastrophique pour ses personnages.
Catastrophique autant dans sa proposition, qui laisse à dire qu'un petit bourgeois photographe vaguement intellectuel n'a rien à faire avec une puéricultrice inculte et, pareillement, qu'un petit blanc perdu, sans formation et drogué, ne peut partager la vie d'une beurette sage faisant des études. Catastrophique dans ses résultats où l'incompréhension sociale aboutit à créer des mâles tapeurs et des femmes battues.
On aurait donc aimé qu'il y ait un troisième couple, plus cohérent socialement, et qui se déliterait lui aussi dans l'affrontement physique, pour ôter ce léger malaise que l'on ressent ici. Car, on est face à deux cas identiques où c'est parce qu'on ne sait pas se parler que les coups pleuvent, laissant à penser de manière assez réactionnaire que si chacun était resté dans son monde, dans sa communauté, les choses se seraient mieux passées, ce qui est très loin d'être sûr.
Mais si "Scènes de violences conjugales" appelle des réserves sur le fond, c'est paradoxalement un spectacle d'une puissance sans égale sur la forme, car les quatre protagonistes mouillent leur maillot et y vont très fort dans l'expression de cette violence irrésistible que martèle la batterie de Yukio Oshima.
Les hurlements de Julie Dennisse sous les coups de David Gouhier résonnent longtemps dans les têtes, pendant que le saisissement muet d'Hayet Darwich, injuste victime de la rage insensée de Maxime Lévêque, glace le cœur.
Si l'on est moins convaincu par la dernière partie de la pièce, celle où les victimes et le bourreau survivant participent à une espèce de "psy show" chargé de les aider à se "reconstruire", on reste cependant sonné par ce déballage de la haine quotidienne que l'on a vécu pas à pas pendant plus d'une heure. |