Quel drôle de disque que ce Blumen in Topf (fleurs en pot dans la langue de Goethe) et quelle drôle d’artiste que cette Léopoldine HH ! Elle chante en français, en anglais et en allemand (et même en elsässerditsch), mais la chanteuse et multi-instrumentiste, vient de Strasbourg donc cela n’a rien de surprenant, juste d’un peu étrange au départ, c’est tout. Sinon, pour la petite histoire, elle a fait un tour par La nouvelle star en 2014, sans y perdre son âme ni son intégrité.
Il y a du Prévert chez cette jeune fille, du Picabia. De l’humour, du dadaïsme. On pense à une sorte de Marlene Dietrich moderne et délurée, songeuse et rêveuse, expansive et espiègle. Mutine aussi. Une Juliette en plus jeune, en éclosion. Mais tout cela ne doit absolument pas cacher le soin apporté à la musique, souvent polyphonique et aux arrangements parfois pléthoriques ("Like a Mansion", "Je suis dans l’air", "Le garçon blessé", "Ces années"...), on a même droit à un chœur d’enfants.
Ne pas cacher également cet univers étrange certes, un poil surréaliste, qu’elle parvient assez facilement en fin de compte à façonner. Parce que Léopoldine HH arrive à jongler sur le fil entre le théâtral, la folie et une certaine gravité. Comme une évidence. Léopoldine HH aime le beau texte, la poésie, la philosophie et ne s’en cache pas. On croise par exemple Guy Debord, Gwenaëlle Aubry, Koffi Kwahulé, Olivier Cadiot ou encore Roland Topor. Le titre Blumen in Topfes est justement une déclaration d’amour à la littérature, et ce n’est pas pour rien si la jeune chanteuse pose en train de lire sur la pochette de son disque.
Alors on pourra lui reprocher de partir un peu dans tous les sens, d’user parfois de trop de fraîcheur et de perdre en profondeur, de s’égarer dans son propre univers et de se prendre les pieds dans les fils de ses marionnettes ("Ich mach ein Lied", "Blumen in Topf", "Personne", le grandguignolesque "Zozo Lala", et l’horripilante reprise de la comptine Alsacienne "Mama Ich will a ding") mais il serait dommage de passer à côté de ce Blumen in Topf parce que ce qui ressort aussi de ce disque, c’est sa générosité, cette envie de partage.
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