Tragi-comédie de Molière, mise en scène Jean-François Sivadier, avec Marc Arnaud, Nicolas Bouchaud, Stephen Butel, Vincent Guédon,
Lucie Valon et Marie Vialle.
Pièce de circonstance, écrite en réaction contre l'accueil houleux de "Tartuffe" qui tombera sous le coup d'une interdiction, le "Dom Juan" de Molière constitue un opus composite et un bric à brac stylistique déclinant toutes les récurrences satiriques de l'auteur (médecine, créanciers, justice, religion, hypocrisie sociale....) qui sont portées par le personnage-titre, figure du fils indigne, du débauché et de l'impie qui bafoue les lois du monde et de Dieu.
Avec la collaboration de Daniel Jeanneteau et Christian Tirole, tout en empruntant au théâtre de tréteaux, avec un espace scénique en lattes de bois, Jean-François Sivadier met en scène l'opus dans son "jus" scénographique de pièce à machinerie, celui d'un "grand spectacle de carnaval", avec machines, décors et surabondance d'effets spéciaux induisant l'incessant ballet à vue des régisseurs, avec un décor de la voûte céleste toute galiléenne, réminiscence sans doute de son précédent spectacle "La vie de Galilée".
Car le Ciel avec majuscule synonyme métaphorique de Dieu est omniprésent et un prompteur lumineux décompte le nombre de fois où le mot est prononcé. Car même si la pièce est sous-titrée "L'Athée foudroyé", Dom Juan, homme au masque de libertaire, est plus mystique qu'athée et tous ses blasphèmes, profanations et provocations ne visent qu'à obtenir une réponse, voire un simple signe de Dieu.
Mais le Ciel se dérobe et pour combler l'ennui, cet hyperactif plus intéressé par la conquête - celle des femmes à défaut du monde, guerrier sans guerre dont les armes sont la séduction, par le beau visage et le beau langage, et le mariage - que la possession, sévit dans la galanterie, abusant ses victimes, en n'étant ni un amoureux solaire ni un libertin lunaire à la manière sadienne, nonobstant, en l'espèce, l'insert surnuméraire d'un extrait de la "Philosophie dans le boudoir" du divin marquis.
Jean-Marie Sivadier monte la partition comme elle fut écrite dans le genre de la farce en forçant la bouffonnerie à l'italienne jusqu'au clown qui permet de beaux numéros d'acteurs, tel celui de Stephen Butel et Lucie Vialon formant le duo paysan Pierrot-Charlotte en l'occurrence transformé en couple de pêcheurs bretons-bretonnants, clin d'oeil au TNB où il est metteur en scène-associé.
De même pour Vincent Guédon qui campe tout en cris et fureur Sganarelle, le fourbe valet-confident. Mais contemporanéité oblige, sans toutefois verser dans la relecture, il cède aux tendances du moment avec des éclairages de concert-rock, l'insertion de chansons de Brassens à Marvin Gaye, une Elvire hystérique (Marie Vialle) vêtue d'un costume aux couleurs d'Halloween et d'une coiffe indienne qui semble échapéée d'une comédie musicale à la Kamel Ouali comme les seigneurs (Marc Arnaud) d'un opéra bouffe, et un jeu souvent frontal en adresse au public qui prend le ton du stand-up.
Dom Juan interprété par Nicolas Bouchaud prend souvent l'allure d'un entertainer, d'un oneshowman, d'un clubber, bref d'une coquille vide qui vient faire trois petits tours avant de disparaître dans le chaos d'un futur big bang civilisationnel. |