Depuis la conversion de ses salons en espace d'exposition temporaire dédié à la création contemporaine, la Monnaie de Paris joue les trublions face aux grandes institutions muséales parisiennes en créant chaque saison l'événement avec des monstrations inattendues.
Son affiche de l'automne 2016 secoue encore le cocotier et ce, à plus d'un titre car ce n'est pas le drapeau noir qui flotte au-dessus de la marmite mais, planté sur son, l'effigie d'un enfant pendu signé Maurizio Cattelan.
En premier lieu, bien évidemment, parce ce que première exposition monographique en France consacrée au plasticien italien
qui, avec ses homologues Jeff Koons et Damien Hirst, et hors l'ancêtre Gerhard Richter, constitue le tiercé gagnant du marché de l'art contemporain.
Par ailleurs, suite à l'invitation de Chiara Parisi, directrice des programmes culturels de la Monnaie de Paris, elle intervient comme la première manifestation muséale après l'annonce, en 2011, de son retrait de la scène artistique concomitante à la rétrospective organisée par le Musée Guggenheim de New York, Et, cerise sur le gâteau, elle a été conçue par Maurizio Cattelan lui-même.
Intitulée "Not Afraid for Love" et qualifiée de "post-requiem" par l'artiste "ressucité", elle présente une sélection de ses oeuvres les plus emblématiques dont il a minutieusement supervisé l'accrochage.
Cattelan, le "best of"
Les sculptures-installations essentiellement paradoxales et polysémiques de Maurizio Cattelan, héritier de la culture de masse des années 1980, qui déclinent les fondamentaux postmodernistes, tels l'ironie et la morbidité, avec, du gag à l'humour noir, l'esprit des mouvements humoristiques français de la fin du 19ème siècle, s'inscrivent dans le registre de l'hyperrréalisme américain.
Par le recours à la taxidermie pour son bestiaire métaphorique et à la figure du mannequin en cire ou en résine pour ses personnages, dont ses doubles "Me", il propose des images dont le sens n'est pas figé d'autant que, prolixe en explications, il ne les accompagne pas d'un vademecum.
A cet égard, les édifiantes divagations, de la pédanterie à l'auto-analyse, de différentes personnalités qui se sont prêtées au jeu du commentaire critique, et reproduites sur le cartel des oeuvres, s'avèrent édifiantes et ont sans doute beaucoup amusé l'artiste peu enclin à cet exercice si ce n'est pas la voie de la dénégation.
Pour "Charlie don’t surf", l'écolier dont les mains sont cloués au pupitre par des crayons ne serait ni une critique de l'institution, ni une illustration de son rejet personnel de l'école.
Et encore moins la catharsis de l'épisode autobiographique au cours duquel il a enfoncé un crayon dans la main d'un de ses camarades.
De même, l'emprunt récurrent à l'iconographie religieuse doit être entendu non comme une préoccupation métaphysique mais l'utilisation formelle d'une esthétique.
Certaines oeuvres, hors leur première présentation publique, ressortant souvent à la performance, quand elle résulte d'une création circonstanciée, sont donc ciblées leur signification semble pérenne même lors d'ultérieures ré-installations in-situ.
Ainsi, les pigeons de "Tourists", créés en 1997 pour le pavillon italien de la Biennale de Venise 1997 qui rendait hommage aux artistes de l'Arte Povera, et rebaptisés "Others" lors de leur installation dans le pavillon général de la Biennale 2011, sont considérés, par leur symbolique péjorative, pigeon-gogo et pigeon "emmerdeur", de l'hommage, comme signe tant de dérision iconoclaste, démystification de l'objet d'art et des artistes, que de la badauderie du visiteur.
En va-t-il de même en 2016 avec les volatiles perchés en compagne d'un avatar cattelanesque à l'air dubitatif sur une corniche au-desssus du bloc luminescent indiquant l'issue de secours ?
Pour d'autres, tel fameux "Him", un garçonnet de dos en situation de prière ayant le visage d'Hitler, l'évidence du sens premier la représentation du Mal absolu, peut néanmoins induire d'autres questionnements, entre autres, sur le déterminisme darwinien avec l'homme en germe dans l'enfant et la réflexion du philosophe Vladimir Jankélévitch sur l'humain de la méchanceté et la méchanceté de l'humain.
A cet égard, les édifiantes divagations, de la pédanterie à l'auto-analyse, de différentes personnalités qui se sont prêtées au jeu du commentaire critique, et reproduites sur le cartel des oeuvres, s'avèrent édifiantes et ont sans doute beaucoup amusé l'artiste peu enclin à cet exercice ci ce n'est pas la voie de la dénégation
A la Monnaie de Paris, sous l'égide de "La Donna" la femme gisante à la verticale et de "Novocento", le cheval suspendu, les sculptures sont installées dans une suite de salles en enfilade qui s'achève en impasse.
De la "Nona Ora", Jean-Paul II terrassée par une météorite seule réponse céleste à ses prières, à "Him", le parcours signe la mort de Dieu.
Et la mort à droit de cité avec les chevaux encastrés, les gisants de marbre de "All" à la veillée funèbre à l'ancienne de "We", les jumeaux-sosies de Cattelan reposant sur le lit familial, unis de la naissance à la mort, l'ensemble sous l'oeil interloqué du "Mini-Me" la tête sortant du sol,curieux invétéré, vigie-témoin ou artiste en cavale ? Donc à chacun son Cattelan. Quant à l'antienne "Not Afraid for Love", qui de surcroît correspond au titre d'une de ses oeuvres non exposée en l'espèce, un éléphant déguisé en fantôme, encore un sujet de cogitations.... |