Mon agitation
(Microcultures / Differ-Ant) novembre 2015
Oui, la chanson française existe encore, et oui, elle a un avenir, et encore oui, elle s’écoute comme on ramasse des champignons, en regardant au loin, évidemment. Nicolas Paugam en est. Un artiste auteur-compositeur-concepteur de cet album aérien Mon agitation.
Second produit de l’artiste, Mon agitation a vu le jour grâce aux financements participatifs de Microcultures. Voyons voir si vos pesetas sont bien placés.
La voix masculine est assez perchée, un peu comme quand Chaton s’essaie aux vocalises. Non pas que Nicolas Paugam s’essaie au timbre ô combien cristallin de chapons meurtris, il est plutôt dans le timbre de la chansonnette. Avez-vous déjà rencontré ces gars qui ferment les yeux, se bouchent une oreille (on se demande bien pourquoi) et se prennent pour Barry White ? Ils me font le même effet que l’accent québécois ceux-là, j’ai du mal à garder mon sérieux.
Et bien Nicolas Paugam est tout le contraire, il chante, point final, sans entourloupe, sans en faire des caisses, avec son timbre perché de cour de récré. Et ça fonctionne. Parmi les trompettes et les percussions des îles, l’album semble tout droit sorti d’une piña colada bien fraîche, avec une paille s’il vous plaît.
Au son des maracas et des cuivres enjoués, Nicolas Paugam ne chante pas l’amour et les bouquets de roses fanés. Ses textes sont souvent graves et chargés de sens ("Saugrenus, saugrenus") : "Enfant en guerre, perdu dans le désert, dessine ton mouton sans caisse ni avion, remplis de coquelicots de chien de ton canon".
La mort, la guerre, la misère, l’exil sont les piliers des textes de Nicolas Paugam : "Si tu vas au San Salvador, coco, il n’y a pas, pas plus de liberté que sous ton propre toit, pas plus de centenaires qui ont trouvé la voie, pas de quoi oublier l’Histoire de France" ("Si tu vas à San Franciscoco").
"Vos cogitations, simples corruptions, ont la fulgurance de leur disparition, il pleut Bergère, trop de loups font misère" ("Je m’en fous"), une joyeuse façon d’envoyer valser les statistiques et la morale bien pensante.
Et en même temps, il dépeint avec une justesse anthropologique l’individualisme ambiant :" A mesure que l’on glisse dans des temps sombres et dans la nuit, on se regarde tous de travers dans le métro, c’est irréel" ("Le bon numéro").
Derrière son air badin et détendu, Nicolas Paugam propose un tableau sombre de la France de nos jours. Comme les mauvais souvenirs nous assaillent certains matins où nous nous réveillons de bonne humeur. Et c’est dans le son qu’il place l’optimisme qui ne réside pas dans les textes, un rythme caribéen et des mélodies murmurées lors de la contemplation d’un horizon grisaillant.
Le printemps, les giboulées de mars, les balades au soleil ... la vie presque parfaite s'il n'y avait pas tant de méchants qui font la guerre. Pour se détendre, cultivons nous !. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.