Auteur-compositeur-interprète connu sous son nom pour la chanson, Jérôme Minière sévit également en groupe dans la musique dite "exploratoire" sous le nom d'Herri Kopter, dont le premier opus Jérôme Minière présente Herri Kopter, instrumental sorti en 2001, s'inscrivait dans un registre résolument électronique.
Sa deuxième production Jérôme Minière chez d'Herri Kopter, qui vient de sortir dans les bacs parisiens, opère un double virage : il glisse vers la pop et opte pour le format chanson à texte "altermondialiste".
Si l'album part dans tous les registres musicaux à coup de chansons mi chantées, mi parlées, de la pop guillerette (avec les gentilles élucubrations dutronesques de "Mon truc à moi") à la cold wave ("Italien sous hypnose") en passant par le hip hop ("Du bon travail !") et l'electro dance ("If you don't buy you die") sans renoncer à l'instrumental ("Uns et zéros"), le propos récurrent est essentiellement axé sur la dénonciation de la société moderne consumériste et ses effets pervers.
On retrouve sous ces diatribes vintage le même esprit, généreux et naïf, que celui qui animait la génération précédente, celle des soixante huitards et leur nostalgie de l'idyllique société de troc qui rêvaient d'élever des moutons dans le Larzac et qui sont devenus des bobos parisiens loftés dans les quartiers populaires réhabilités dégustant la tome de chèvre uniquement en terrasse dans l'assiette design new wave du bistrot lounge en bord de Seine.
Tout passe à la moulinette inspirée de Jérôme Minière : J'achète donc je suis avec l'explicite "If you don't buy you die" ("Selling time/Selling happiness/Selling life"), la compensation par l'achat compulsif du "Miroir aux alouettes" ("On achète un objet qui nous reflète pour être rassuré sur notre identité"), le triomphe du capital ("Du bon travail") qui corrompt même Jésus Christ, sirotant des martinis au bord d'une piscine, qui "a bien mérité d'un peu de bonheur après s'être fait chier pendant 2 000 ans" dans "Une nouvelle vie" et l'art est une marchandise avec les inquiétudes d'une chanson de la "Complainte d'un produit de l'imagination" ("L'auteur m'a laissé tomber sur un disque avec d'autres chansons que je n'aime pas du tout pour être vendue comme une esclave sur des étalages/Je ne sais pas si on va s'entendre vous et moi").
Cela étant, après des écoutes successives de tout ce bric-à-brac, si l'on s'abstrait du propos, encore qu'il puisse, allez savoir, avoir des vertus subliminales, demeurent les "mélodies" bien ficelées qui vous titillent l'esprit et quelques pépites dont certaines tubesques comme "If you don't buy you die" interprété par Myléna Bergeron, "Mes amis sont les meilleurs produits dans leur catégorie", "Le miroir aux alouettes" et le très beau et poétique "Un magasin qui n'existe pas" chanté par Lhasa ("Je rentre chez moi d'un bond pas dans un magasin qui n'existe pas/J'ai acheté du silence des instants calmes et paisibles dans un magasin qui n'existe pas/Et ça ne coûte rien").
"Les chiffres du jour", longue litanie impersonnelle sur le règne des données statistiques, déclinées ici de façon absurde et satirique, qui rappelle le phrasé et le propos du poète sonore Anne-James Chaton sur "Valade Martial" dans l'album Fugues d'Innocent X , clôt cet album éclectique dans lequel, comme au supermarché (décidément on n'y coupe pas !), chacun pourra trouver ce qui lui plaît.
Cela étant, n'hésitez pas à faire un tour sur le site ludique d'Herri Kopter dont le slogan est "Chez la concurrence le client est roi, chez Herri Kopter vous êtes notre Dieu!" qui offre des " services gratuits et imaginaires" et notamment peut "vous procurer le produit disque Kopter qui avec sa gamme de sons émouvants vous procurera de nombreuses heures de plaisir" en optant "opter pour le mode de paiement imaginaire ou par carte de crédit poétique vous permettant ainsi de régler votre facture de façon sécuritaire sans soucis, ni timbres ou déplacements, et même sans argent". Ça serait pas un coup de pub ça ? |