Comédie de Jean Dell et Gérald Sibleyras, mise en scène de Eric Laugérias, avec Alain Cerrer, Laure Tregouet, Fabrice Pannetier, Nathalie Tregouet et Michel Baladi.
Dans le genre de la comédie de moeurs et du marivaudage contemporain réunis, Jean Dell et Gérard Sibleyras ont co-signé "Un petit jeu sans conséquence" qui a connu un énorme succès tant public que critique en 2003 et consacré par cinq Molières. Un succès mérité pour cette partition de type assoussienne sur le jeu de l'amour et de l'amitié, pimenté par les petits mensonges entre amis, et de facture classique, dans laquelle tout se noue et se dénoue sur un parterre de verdure lors d'une pique-nique party au cours de laquelle, à l'instar du "Pélerinage à l'île de Cythère" de Watteau, se redistribuent les cartes sous l'oeil goguenard d'un gaffeur qui met le feu aux poudres. Bruno et Claire forment un couple établi et presque modèle ayant à son actif douze années de vie commune et un bonheur paisible. Mais, pour celle-ci, la réflexion maladroite d'un cousin balourd, mais non exempt de malice, met en évidence l'érosion du quotidien qui émousse le sentiment amoureux. Elle prend donc l'initiative d'imaginer, et d'annoncer, leur séparation et propose à Bruno de jouer le jeu pour tester leur entourage. Mais jouer avec le feu ne s'avère jamais anodin. La Compagnie des Hauts de Seine présente cet opus dans une mise en scène de Eric Laugérias, constituant pour ce dernier, oeuvrant concomitamment dans différents registres avec "Euréka !" et "Oui !", un beau triplé gagnant.
Judicieusement scandée par la légèreté de la fugue de Bach "scatée" par les Swingle Singers, célèbre groupe vocal des années 1960, sa sagacité entre en synergie avec l'écriture percutante aux dialogues peaufinés d'un humour au second-degré de la pièce et instaure un bel équilibre entre comédie dramatique, vaudeville moderne et comédie rohmérienne Un équilibre mosaïcien qui est tenu par l'excellente interprétation du quintet de comédiens aguerris qui officient sur scène où deux bandes de gazon artificiel, un banc et deux sièges suffisent à planter le décor.
Michel Baladi, dans son emploi récurrent et maîtrisé de looseur gaffeur, Nathalie Trégouët, en parfait archétype de "meilleure" amie et amoureuse transie à vocation de "coucou", Fabrice Pannetier, diaboliquement tentateur en trublion venu d'ailleurs, Alain Cerrer, désopilant en pantouflard version contemporaine du dindon de la farce à l'air de "ravi de la crèche", et Laure Trégouët, délicieuse en belle endormie qui sort de l'illusion conjugale et goûte à nouveau les délices de la séduction.
Soutenues par un épatant jeu non verbal, la justesse et la sobriété de ton des interprètes donnent au spectacle une facture accomplie qui le classe parmi les coups de coeur incontournables et fédérateurs.
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