Réalisé par Mani Haghighi. Iran. Policier. 1h48 (Sortie le 25 janvier 2017). Avec Amir Jadidi, Homayoun Ghanizadeh, Ehsan Goudarzi, Kiana Tajammol, Nader Fallah, Ali Bagheri, Kamran Safamanesh et Javad Ansari.
S'ils pouvaient voir "Valley of Stars" de Mani Haghighi, le regretté Abbas Kiarostami se retournerait dans sa tombe et Jafar Panahi aurait des convulsions dans sa résidence surveillée.
En effet, ce film iranien est un ovni dans la galaxie bien formatée en plans fixes et en plans séquences du cinéma qui s'est construit depuis la Révolution khomeiniste. Les quelques cinéphiles qui se souviennent de "La nuit du bossu" (1965) de Farrokh Ghaffari savent pourtant qu'il y a eu tout un courant du cinéma persan porté vers l'humour et le fantastique.
Avec "Valley of stars", Mani Haghighi réveille ainsi toute une tradition cinématographique qu'on croyait éteinte sous la rigueur draconienne de l'ère Kiarostami qui se poursuit de nos jours avec Asghar Farradi.
Rien que le choix du lieu de tournage sort de l'ordinaire du cinéma iranien. Cette vallée désertique qui donne son titre au film est un endroit d'une prodigieuse beauté. Pas besoin de se forcer pour penser à "Monument Valley", si cher à John Ford, avec en plus un bateau échoué dans un désert qui, il y a encore peu, devait être un lac.
Le facétieux réalisateur qui commence son récit comme une intrigue policière, avec agents de la Savak arborant des chapeaux que leur envieraient les héros de Jean-Pierre Melville, y a forcément pensé. Il a, en effet, sorti d'un musée de l'automobile, d'étonnants véhicules, que ses personnages appellent des "Ford Impala", et qui, en fait, sont des "Chevrolet Impala".
Cinéphile, aimant les histoires compliquées qui se déroulent sur plusieurs décennies et qui livrent au final un secret tordu, voire complètement idiot, Mani Haghighi pourrait être le "Tarantino iranien" qu'on n'attendait pas.
Il pourrait être aussi le descendant improbable de Raoul Ruiz et d'Alejandro Jodorowsky. Bref, on est devant un cinéaste à la fois pour amateurs de "cinéma bis" et pour ceux qui aiment bien une espèce de "cinéma littéraire fantastique" à la Borges.
"Valley of Stars" de Mani Haghighi est tour à tour un film d'une grande beauté esthétique, notamment dans toutes les séquences désertiques, et un vrai récit d'aventures pleines de punch dans un univers proche autant de la bande dessinée que des Mille et une nuits.
On prendra un grand plaisir à s'y perdre justement comme dans les contes orientaux. Peut-être faudra-t-il attendre le DVD et la possibilité d'allers-retours pour y découvrir ce qui échappe lors d'une première vision.
Pour l'heure, même si l'on ne comprend pas tout, et qu'on accepte les fausses pistes et la présence en guest-star d'un chameau, on suivra avec jubilation cette pochade hilarante qui a dû laisser perplexe plus d'un mollah. |