Comédie dramatique de Sarah Kane, mise en scène de Christian Benedetti, avec Christian Benedetti, Marion Tremontels et Yuriy Zavalnyouk.
Ressortant au registre "In-Yer-Face" des années 1990, "Blasted", premier opus du très restreint corpus de Sarah Kane, une des figures du théâtre post-tragique et de l’esthétique de la terreur, porte sur scène, de manière frontale, une réalité d'une extrême violence.
Sa finalité tant politique que dramatique voire épiphanique, tient à une confrontation du spectateur à la barbarie et à l'horreur, confrontation radicale et salutaire, dans tous les sens du terme, qui doit entraîner un (r)éveil des consciences anesthésiées.
Cette partition syncrétique, qui brasse des influences tutélaires, de la tragédie grecque au théâtre jacobéen, et contemporaines de Brecht à Beckett et de Pinter à Bond, se développe selon plusieurs registres, du naturalisme à l'absurde, pour opérer un télescopage spatio-temporel de la violence intime avec la violence politique entre lesquelles existerait une relation de cause à effet que l'auteure définit comme "le premier est la graine et l'autre est l'arbre".
Dans une chambre d'hôtel anglais, un huis-clos malsain entre un homme d'âge mûr (Christian Benedetti), journaliste raté vaguement homme de main du pouvoir et malade qui survit grâce à la nicotine et l'alcool, et une jeune femme manifestant des signes psychotique (Marion Tremontels), tourne au viol avant l'intrusion d'un soldat tortionnaire échappé de la guerre des Balkans (Yuriy Zavalnyouk) qui renverse la dialectique de la violence.
Fin connaisseur de l'oeuvre de Sarah Kane, Christian Benedetti reprend pour une troisième fois cette partition dans une mise en scène radicalement ultra-réaliste fondée sur sa dramaturgie essentiellement visuelle. Egalement au jeu, il forme avec Marion Tremontels un captivant couple fatal "à la vie à la mort".
L'opus-uppercut écrit en 1995 avait défrayé la chronique lors de sa création. Deux décennies plus tard, la question se pose quant à la percutance de sa mission "pugilistique", toujours d'actualité, dans un siècle de matraquage visuel qui relativise sinon banalise les images de violence, de passage à l'acte de pulsions destructrices et de mort qui altèrent le champ de la conscience.
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