Un Coup de Queue de Vache
(Éditions Bucéphale) janvier 2017
Le dixième album de Thomas Fersen annonce sa couleur bucolique dès la vue de la pochette. On y voit le chanteur de 54 ans chevauchant une vache normande au-dessus d’une zone d’activité industrielle. Pour ce nouvel essai, Thomas Fersen est allé goûter l’herbe du pré voisin, puisqu’il a quitté Tôt ou Tard, le label de ses débuts et de ses 9 précédents albums, en raison "d’un désintérêt artistique depuis deux albums déjà".
L’auteur / compositeur maintenant seul maître à bord n’a pas pour autant renoncé à ses personnages animaliers favoris pour ses textes. On y croise vaches, coqs, poulettes, lièvres, cochons, homards parmi les hommes et femmes ordinaires… dans de petites histoires à mi-chemin entre les fables de La Fontaine et les contes de fées. Les textes toujours bien ciselés, truffés d’humour et de rimes bien trouvées, se servent de ces animaux pour faire la critique de la vie humaine.
Pour la musique, il est accompagné d’un quatuor à cordes et d’un instrument "perturbateur". Se succèdent banjo, mandoline, ukulélé ou piano qui amènent un peu de fantaisie aux morceaux.
Nous voici donc plongés dès le début du disque dans cette ambiance champêtre avec "Un coup de queue de vache" où l’on suit les malheurs d’un coq ayant perdu toutes ses dents suite à ce mauvais coup du bovin, à qui l’on présente une cocotte… en fonte.
"La Pachanga" nous décrit un rendez-vous chez une kinésithérapeute qui se transforme en une folle série de danses désarticulantes : "Après la Panchaga / J’ai remis mon pantalon / Soit il était plus court / Soit j’étais plus long". Le titre le plus dansant (et ça tombe bien) de ce disque.
"Tu n'as pas les oreillons", chanson très bretonne (région chère à Thomas) avec le son de la guimbarde, nous conte l’histoire d’un jeune garçon obnubilé par les pis de vache et les soutiens-gorge qui va consulter, faute de médecin, un druide alcoolique pour savoir s’il a les oreillons : "Le chouchen est aveuglant / surtout quand on en abuse / il m’avait pris pour un gland, il m’avait pris pour une buse".
On passe du coq à l’âne ou plutôt du rire aux larmes de désespoir avec "Testament" (écrite par le québécois Fred Fortin), avec l’histoire d’un paysan qui "a mis le feu à sa famille / et c’est bien / ils étaient si malheureux / hélas il n’y pouvait rien". Un piano triste accompagne la descente aux enfers de cet homme qui s’est résolu à l’irréparable, en proies à ces démons nocturnes. La voix traînante de Thomas a toujours été bien adaptée pour conter des histoires horribles où on ne peut s’empêcher d’avoir malgré tout un peu de compassion pour les personnages.
Dans "As-tu choisi ?" on écoute une énumération d’animaux, de créatures, d’objets : une libellule, une coccinelle, un papillon, une hirondelle, un dragon, un coeur brisé, une rose noire… mais que faut-il donc choisir dans cette liste ?
Retour à la ferme et à un ton plus humoristique avec "La cabane de mon cochon" où un homme pour se débarrasser de tous les objets cassés et inutiles qui prennent de la place chez lui, les met tour à tour dans la cabane de son cochon. Au fil du temps il commence à vraiment se lasser de tout ce qui remplit sa maison, jusqu’à la maison elle-même. Il ne lui reste finalement qu’une seule solution, habiter… devinez-où ?
"Big-bang" nous narre la vie d’une Cendrillon de la campagne, affectée à toutes les tâches ingrates de la maison, devenue strip-teaseuse en ville qui au fur et à mesure de son numéro d’effeuillage voit les réactions de ses spectateurs jusqu’à se retrouver dans le plus simple appareil : "il ne me reste plus qu’un slip / taillé dans la peau d’un moustique".
Ce disque s’inscrit dans la lignée de ses précédents albums, où une part importante est consacrée à son bestiaire.
Ce disque sera présenté aux quatre coins de France dans un spectacle à mi-chemin entre concert et théâtre qui intégrera des monologues en vers écrits par ce poète, digne héritier d’un Brassens.