Texte de Svetlana Alexievitch, mise en scène, scénographie, lumières de Bruno Boussagol, dit par Nathalie Vannereau.
Dans la Chapelle vide de la Maison de l'Architecture, un faisceau de lumière éclaire une sorte d'alien de métal suspendu au plafond, une superbe sculpture de Pierre Della Giustina, qui pend au dessus de la tête d'une fragile jeune femme de noir vêtue, les pieds englués dans un carré de sol composé d'une sorte de poussière de charbon duquel pointe quelques frêles végétaux. A côté d'elle, clignote une brique fluorescente. Debout, elle se tient immobile, comme irrémédiablement soudée au sol.
Loussia sourit, les yeux brillants, et nous parle de son amour. Son amour pour celui avec lequel elle vivait à Tchernobyl, de celui qui fît partie des pompiers qui allèrent à mains nues colmater les brèches du réacteur éventré, de celui qui mît 14 jours à mourir sous ses yeux. Elle évoque aussi la chape de silence qui s'est abattue sur ces événements comme la chape de béton qui ensevelît la centrale infernale.
Une femme ordinaire emportée dans une convulsion de l'Histoire, une héroïne anonyme d'une tragédie contemporaine, dont le récit est bouleversant. La langue est limpide, claire, belle. Des mots simples, ceux des "pauvres gens" de la chanson "Avec le temps" de Léo Ferré, pour dire le bonheur et l'effroi, la vie et la mort, l'anéantissement et l'espoir.
Elle ne pleure pas, elle ne se révolte pas, elle n'accuse pas. Elle dit. Car dire, raconter, témoigner est sa liberté inaliénable. Dire encore pour ne pas oublier et guérir. Le devoir de mémoire.
Bruno Boussagol et Nathalie Vannereau, comédienne lumineuse, proposent un moment d'humanité, plus qu'un spectacle, d'une rare intensité dramatique et d'une insoutenable résonance.
La catastrophe de Tchernobyl a eu lieu en 1986, il y a vingt ans déjà. Qui s'en soucie encore aujourd'hui ? Oubliée, comme sont oubliés les territoires contaminés et ceux qui y vivent. C'est loin l'Ukraine et la Biélorussie.
Et pourtant, cela est arrivé près de chez nous.
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