Dakhla Sahara Session
(Born Bad Records) février 2017
La rencontre entre le trio électro clash Cheveu et le Group Doueh, ensemble de musiciens Touareg emmené par Doueh, qui joue de la guitare électrique et du tinidit (une sorte de guitare mauritanienne) accompagné de sa femme au chant et au tbal (un tambourin), et de leur fils Jamal au synthétiseur n’a rien de vraiment surprenant. Enfin si…
De par leurs parcours respectifs, les deux groupes ont montré une évidente ouverture d’esprit. Cheveu a toujours fait preuve de transversalité dans sa musique, que cela soit dans ses compositions qui mélangent les genres, dans son travail parfois mixé avec celui d’autres artistes comme la compositrice israélienne Maya Dunietz. Une soif de découverte, de bousculer sa musique, l’excitation de la rencontre aussi sûrement. L’opéra La Grande Montée, sorte de théâtre musical, sur l’histoire du coureur cycliste Italien aussi magnifique que subversif Marco Pantani, création prévue sur la grande scène du théâtre Nanterre-Amandiers, en est une preuve supplémentaire.
De son côté, Group Doueh, bien qu’ancré dans un certain traditionalisme (entre tradition Sahraoui et Hassanienne) de la musique du Sahara, qu’il dépasse en proposant un langage musical plus libre, plus européen presque (en tout cas plus occidental) est également influencé par Jimi Hendrix, James Brown ou la musique électronique.
Alors bien sûr, les deux groupes viennent de deux univers totalement différents, et il y a bien plus qu’une mer et un désert entre la musique survoltée de Cheveu et celle religieuse et mêlée à d’anciens poèmes, principalement jouée dans les mariages de Group Doueh. Musicalement, cela n’a pas été forcément facile, le trio électro punk pop Français avouant aisément sa difficulté à d’abord simplement jouer avec leurs homologues Sahraouis (si ce n’est que rythmiquement…) mais ce Dahkla Sahara Session se révèle être une superbe traversée pleine de fougue et de folie (presque parfois hypnotique).
On ne peut pas parler de fusion de la musique des deux groupes, ce qui permet fort heureusement d’éviter l’écueil d’un disque bêtement world music, mais plutôt de juxtaposition (de rythmiques, de timbres, de voix, de langues, de modes, de tonalités, de structures…), de superposition (parfois au forceps, il faut bien l’avouer) des deux univers.
Une addition qui finalement fonctionne plutôt pas mal. Et si cela fonctionne aussi bien, c’est parce qu’il y a quelque chose que les deux groupes partagent, un vrai point de convergence, c’est la notion de transe… C’est cette notion en définitif qui transparait dans ce disque, et qui est la plus importante, le reste (la polyrythmie, la polytonalité, le mélange des timbres, les paroles, l’alliance entre électronique et instruments acoustiques, le jeu sur les intervalles)… une intellectualisation ici pas forcément nécessaire…
Coup de froid sur le pays, tant en terme de météo que de politique. Réchauffons nos petits coeurs avec de la musique, des livres du théâtre et la MAG#90...
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