Si le concerto d’Alexander Arutiunian fait partie du grand répertoire de la trompette, ce n’est pas encore le cas pour le concertino de Krzysztof Penderecki ou pour celui de Fazil Say. Gábor Boldoczki, jeune trompettiste virtuose hongrois, trop peu mis en avant, a eu l’excellente idée de réunir ces trois concertos dans ce disque.
Tout le talent du trompettiste explose dans ce programme avec, comme fil conducteur, une certaine contemporanéité et des compositeurs venant des pays de l’est (Pologne, Turquie et Arménie, le titre Oriental étant peut-être un tantinet exagéré).
Si sa réputation au piano n’est plus à faire, on connaît encore assez mal les compositions de Fazil Say. Son concerto pour trompette qui exige une certaine virtuosité (notamment dans le détaché) est une commande du Festival de Mecklenburg-Vorpommern pour Gábor Boldoczki. L’œuvre, de forme plutôt classique en trois mouvements, rappelle des sonorités liées à ses racines turques, que cela soit dans les harmonies complexes et les mélodies orientalisantes, dans les polyrythmies et pulsations asymétriques caractéristiques (comme dans le second mouvement 5 gegen 6 mélange de phrases à 5 et 6 temps), mais y ajoute une touche de velouté qui rappellerait presque Georges Delerue. Le final, Adagio et variations, commence par quelques variations sur une chanson folklorique turque, poursuivant l'humeur lyrique du second mouvement. L’atmosphère menaçante est maintenue jusqu'à la fin.
Le concerto de Penderecki est une œuvre récente (2015) et est également dédiée au trompettiste hongrois. Ceux qui connaissent la musique des années soixante et soixante-dix du compositeur Polonais comme Thrène à la mémoire des victimes d'Hiroshima, Polymorphia ou la Passion de St. Luke devraient être surpris par cette œuvre qui, bien que toujours riche en effets sonores, possédant des passages sombres et inquiétants, d’une écriture ultrachromatique millimétrée et à l'esthétique néo-tonale, reste totalement accessible.
The Children’s song d’Aram Khachaturian (qui devrait rappeler quelque chose aux Gainsbourgiens) joué au bugle (avec ce son rond et velouté si caractéristique) est un moment de calme et de presque méditation au milieu de ces trois concertos intenses.
Le disque se termine avec le concerto d’Arutiunian avec ses airs de Chostakovitch aux influences impressionnistes. Boldoczki est impérial est d’une maîtrise totale (des aigus tout en rondeur, des détachés rebondis, une véritable virtuosité…) et le Sinfonietta Cracovia sous la direction de Jurek Dybat dévoile mille couleurs. Bref, un disque qui plaira aux amateurs de musique pour trompette mais aux autres également ! |