Avec "L’esprit français. Contre-cultures 1969-1989, la Maison Rouge propose, pour la dernière manifestation avant sa fermeture, une exposition à la croisée de la sociologie, de l'anthropologie culturelle et des arts qui s'inscrit dans le champ des études culturelles.
Soit une approche transversale des toutes les cultures, toutes les disciplines, arts et médias, et, de surcroît, sur une large amplitude chronologique et une période quasi-préhistorique pour les moins de quarante ans.
Pour ses concepteurs, Guillaume Désanges et François Piron, commissaires d’exposition et critiques d’art, la monstration, qualifiée d'exposition collective et thématique, présente "une nébuleuse de pratiques subversives" ayant pour dénominateur commun " l'esprit français" défini comme "un mélange d'idéalisme et de nihilisme, d'humour caustique et d'érotisme, de noirceur et d'hédonisme".
Ces pratiques, qui résultent tant de mouvements contestataires que de dissidences esthétiques et d'attitude individuelle
d'agitateur, sont illustrées par plus de 700 pièces sur tous supports et documents de toute nature qui augure d'une déambulation passionnante.
Les contre-cultures, qu'avons-nous fait de nos vingt ans ?
Foisonnante, l'exposition propose un parcours thématique subjectif et donc réducteur organisé en huit sections au titre abscons. Ainsi "Buffet froid" vise les grands ensembles urbains et "Parallèles Diagonales" les marges.
Elle aurait sans doute gagné au plan tant didactique que réflexif à privilégier le classique déroulé chronologique d'autant que les deux décennies cibles s'avèrent très différentes, voire antithétiques, les années 1970 étant placées sous le signe des utopies post-soixanthuitardes, les années 1980 sous celui du désenchantement camouflé sous la propension festive.
Sa recension s'avère donc difficile et il est sans doute préférable de laisser le champ libre pour le vagabondage qui commence avec le "sabotage de l’identité nationale" illustré par Alfred Courmes ("L'Intervention de l'armée est demandée"), Michel Journiac ("Hommage au Putain Inconnu" et Claude Lalanne ("L'homme à tête de chou") en hommage à Gainsbourg le provocateur tout comme sera Coluche.
L''installation "Conte cruel de la jeunesse" de Claude Lévêque qui clôt l'exposition.
Elle a été inspiré par le groupe punk Bérurier noir qui bénéficie d'une belle visibilité et est surplombé par une oeuvre de commande réalisée par Kiki Picasso ("Il n’y a pas de raison de laisser le blanc, le bleu et le rouge à ces cons de français") alias de Christian Chapiron membre du feu Collectif Bazooka.
Entre temps, les mouvements libertaires côtoient les dissidences esthétiques et les happy few dont la chanteuse et égérie Marie-France qui fréquentent Le Palace.
Impossible de rater les artistes "féministes" des années 1970 avec la monumentale et terrible représentation de la condition féminine par Raymonde Arcier ("Au nom du père") et les collections de la plasticienne Annette Messager.
Et côtoyer "L'Enfer" avec les photos autour du fantasme et du fétichisme de Pierre Molinier, celles de Jean-Louis Costes performeur trash qui voisinent avec celles de Pierre Klossowski et Pierre Zucca
sur le fantasme et le simulacre ("La monnaie vivante").
Et les oeuvres burlesques de Roland Topor dont quelques images et dessins préparatoires du film devenu culte 'Marquis".
Art corporel avec Orlan, cinéma, théâtre avec le dramaturge argentin Copi, figure majeure du mouvement gay, représenté sur l'affiche, radios alternatives, littérature avec les Editions Champ libre dédiées à la publication d'ouvrages de critique sociale de gauche, presse avec Hara Kiri, scandent les salles.
A la sortie, le syndrome du rétroviseur fait son office. Tout s'est-il arrêté en 1989 qui correspond au tricentenaire de la révolution française ?
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