"Fauré : ou les derniers feux encore vivants de l’harmonie tonale et modulante, les derniers feux qui brillent encore de leur propre combustion. Strauss, dans un certain nombre de ses œuvres qui sont postérieures à la mort de Fauré (hormis naturellement Les Métamorphoses et les Vier letzte Lieder) me semble quant à lui ne plus jouer qu’avec des braises, avec une lueur qui rougeoie mais ne consume plus grand-chose, ou encore – que l’on me pardonne de parler aussi crûment – de se masturber, c’est-à-dire de ne prendre son plaisir qu’en lui-même." Michel Dalberto
Si, l'art, la musique consiste à nous élever le plus loin possible au-dessus de ce qui est, alors la musique si mélodique de Gabriel Fauré est un excellent moyen pour atteindre cette élévation. Compositeur Français, Fauré restera solitaire, au-delà des modes, loin de l’exotisme en vogue à son époque et peut-être plus proche du postromantisme, tout en restant éloigné de Wagner. Il privilégiera toujours les lignes mélodiques simples et claires, on le considère plus facilement comme un grand mélodiste plus que comme un grand architecte des formes musicales, des mélodies souvent sur un ambitus d’intervalles réduit (son échelle des intervalles était faussée à cause de problèmes d’audition), une certaine intériorité, une réelle élégance qui cache des choses terribles, un sens de la polyphonie, une harmonie plutôt modale.
Ses œuvres pour piano pourraient être en quelque sorte la quintessence de son écriture. Une situation hors des normes esthétiques de son époque peut être due aux onze années d’apprentissage passées à L’École Niedermeyer. Ecole de musique classique et religieuse, opposée aux conceptions du Conservatoire de Paris (représentant pour l’institution religieuse un art profane) qui formait les futurs organistes de paroisse, maîtres de chapelle et chefs de chœur en enseignant la polyphonie, l’orgue, le plain-chant, les œuvres de Bach, Palestrina...
Pourtant, comment ne pas reconnaître sa force mélodique, ses talents de composition et "Les fortes tensions harmoniques, la douleur et la souffrance qui émanent de ses dernières œuvres sont en grande partie dues à cet environnement politique (ndlr : la première guerre mondiale) et cette guerre d’une violence encore inconnue à l’époque" comme le rappelle Michel Dalberto.
Impérial chez Schubert (excellente intégrale de l’œuvre pour piano seul) et Debussy, le pianiste Français est absolument impeccable dans ce disque autour du répertoire de Fauré. Ses doigts glissent sur les touches du piano avec une infinie douceur, avec un superbe sens du phrasé et de la dramaturgie. On retrouve dans son jeu toute l’intensité, toute la poésie qui sied à l’exécution de ces pièces rappelant les éblouissantes interprétations de Samson François. Remarquable. |