Spectacle humoristique conçu et interprété par Eno Krojanker et Hervé Piron.
Classiques et récurrentes sont les thématiques, du paradoxe du comédien, de la mimésis, de l'illusion théâtrale, du méta-théâtre et de la mise en abîme, mais certes pas leur déclinaison dans "C'est toujours un peu dangereux de s'attacher à qui que ce soit" présentée par le binôme Eno Krojanker et Hervé Piron.
Placé sous le signe de l'humour belge, non celui des blagues hexagonales sur les natifs du plat pays mais celui tragi-comique et surréaliste des autochtones, leur spectacle s'avère totalement hors norme et singulier. En effet, il procède à une mise en abyme méta-théâtrale, à travers le processus de création d'un seul en scène autofictionnel auquel assiste un public, en l'occurrence les spectateurs eux aussi investi d'un rôle, abordée sous une double focale, celle de l'anthropologie théâtrale et celle du processus relationnel fondé sur un rapport de pouvoir, au mieux fonctionnant sur le mode des vases communicants, au pire sur celui de la domination. Par ailleurs, les officiants, l'un dans le rôle du comédien influençable (Eno Krojanker), l'autre dans celui du metteur en scène-démiurge (Hervé Piron), un pervers narcissique d'autant plus tout puissant qu'il dirige un ami et apostrophe le public par essence passif, opèrent subtilement dans le champ de la manipulation et ce qu'ils nomment "la tentation de la dictature du spectacle". Tout commence derrière un écran symbolisant le 4ème mur avec la répétition d'un drame d'enfance que constitue la perte du "doudou" avec un metteur en scène très directif qui impose sa "vision" à l'acteur et au public qu'il entreprend d'éduquer. Et le spectacle prend d'inattendus chemins de traverse qui génèrent un sentiment d'inquiétante étrangeté.
Dans des doubles, voire triples rôles, sur le mode customisé "en voiture Simone, c’est moi qui pilote, c’est toi qui rame" et la réinvention du duo clownesque, les deux compères mènent en bateau leur auditoire au gré de leur fantaisie et d'un humour pince-sans-rire débridé. C'est intelligemment redoutable et affreusement désopilant. Donc réussi. |