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puce Albert Marcoeur & le Quatuor Béla
Si oui, oui. Sinon, non  (Bela Label)  février 2017

Le quatuor à cordes Béla et le chanteur inclassable Albert Marcoeur continuent leur aventure commune commencée il y a dix ans maintenant avec ce Si oui, oui. Sinon, non, disque reflet du spectacle du même nom qui tourne depuis 2013.

Albert Marcoeur est une figure légendaire de la chanson française qui se sera toujours positionné loin des circuits commerciaux et de l’industrie musicale (et de la SACEM…) avec une musique à l’exigence harmonique et rythmique, une voix mi-spoken words mi-chantée et des paroles un peu folles, faites pour appuyer là où ça fait mal. Des paroles parfois saugrenues mais toujours d’une très belle poésie, quelque part entre malice et gravité.

Un univers musical qui sied à merveille au quatuor Bela, un jeune et absolument enthousiasmant quatuor à cordes à l’esprit ouvert vers la création contemporaine (Philippe Leroux, Francesco Filidei, Benjamin de la Fuente, Jean-Pierre Drouet, François Sarhan, Jérôme Combier, Garth Knox, Karl Nargelen, Frédéric Aurier, Frédéric Pattar) et les autres musiques (Elise Caron, Jean-François Vrod, Moriba Koïta, Ahmad Al Khatib, la Compagnie de danse Grenade…).

Si oui, oui. Sinon non est un disque d’une rare poésie, une poésie du quotidien, des petites choses ("Entretien", "Les valises à roulettes"), des petites gens ("Les deux petits vieux", "La fanfare des Laumes"). Une poésie délicieusement irrévérencieuse parfois mais toujours d’une incroyable acuité. Il y a quelque chose de totalement jubilatoire à entendre la voix de Marcoeur, ses textes absolument ciselés ("Les chemins de l’école", "L’éclipse", "Pirouettes pour des prunes", "La fanfare de Laumes" qui parlera à tous les musiciens ayant fréquenté une fanfare ou une harmonie…) et cette musique superbement écrite, aussi maline que son auteur, d’une belle intelligence, qui virevolte, joue à cache-cache. Une subtile gourmandise à consommer sans modération !

Une double interview d’Albert Marcoeur et du quatuor à cordes Béla était obligatoire.

Si vous deviez vous présenter et parler de votre musique en quelques lignes…

Albert Marcoeur : Depuis le temps que l’on me pose cette question, je ne sais toujours pas comment y répondre. Il serait peut-être temps que je ponde enfin deux ou trois phrases bien torchées afin de me sortir de ce guêpier qui, à chaque fois, me tend les bras et m’embarrasse plus qu’autre chose.

A défaut de prensentation, quel regard portez-vous sur votre carrière ?

Albert Marcoeur : On parle de carrière pour un homme politique, pour un directeur de banque, un contrôleur SNCF. Ou au sujet d’une personnalité connue et reconnue. Charles Aznavour par exemple ou Catherine Deneuve. Moi, j’ai plutôt l’impression d’avoir parcouru quelque chose. De m’être engagé dans un chemin particulier et de m’y être promené en sifflotant et en respirant profondément sans me soucier des autoroutes aguicheurs de la culture où les véhicules se suivent à la queue leu-leu en attendant une opportunité pour dépasser.

N’est-ce pas trop dur que l’on parle plus de votre côté iconoclaste que de votre musique ?

Albert Marcoeur : Vous voulez vraiment que je vous réponde franchement ? Et bien, je m’en tape le coquillard, je ne rentre jamais dans ce genre de considérations pour la bonne et simple raison que vous n’empêcherez jamais les gens de parler de ce qui les intéresse et surtout de ce dont ils ont envie. Surtout lorsqu’ils pensent avoir mis le doigt sur un point sensible ou une trouvaille d’envergure.

Comment est née l’idée d’un spectacle avec le Quatuor Bela ?

Albert Marcoeur : J’ai rencontré le Quatuor Béla en 2006. Anne Bitran et la Compagnie des Rémouleurs m’avaient commandé plusieurs pièces pour quatuor à cordes afin de sous-tendre et d’illustrer leur spectacle Machina Memorialis. Frédéric Aurier (violon) et Julian Boutin (alto) travaillaient déjà avec Anna Bitran ; ils firent appel à Julien Dieudegard (violon) et Luc Dedreuil (violoncelle) et formèrent le Quatuor Béla. Nous travaillâmes ensuite sur le film de Jean-Pierre Darroussin Le Pressentiment (2007). Puis sur l’album Travaux pratiques (2008).

Un jour, Luc Dedreuil s’arrête chez nous, à La Bergerie afin de récupérer une valise de verres oubliée dans un train mais surtout indispensable pour une pièce de Crumb. Mais là, je vais un peu vite, je brûle les étapes. L’histoire commence par un coup de téléphone de Frédéric Aurier : "Allo, Albert, je sais que Claude est à Dijon et je n’ai pas son numéro de mobile sur moi, je t’explique : hier, nous jouions à Mulhouse et ce soir nous sommes à Besançon où l’on vient d’arriver il y a cinq minutes. Seulement, on a oublié une valise de verres dans le TGV qui arrive à Dijon dans une heure. Si Claude pouvait aller la chercher, ça serait super. Le TGV vient de Mulhouse, et nous étions voiture 16, la mallette se trouve dans le porte-bagages au dessus des places 38 et 39. On la récupèrera plus tard, nous n’en avons pas besoin pour l’instant. Donc, si tu pouvais prévenir Claude, ça nous sauverait la mise."

J’appelai Claude qui courut en gare de Dijon-Ville et qui récupéra la valise. Et donc, une semaine plus tard, Luc Dedreuil vint récupérer la précieuse mallette chez nous, à La Bergerie et comme il était autour des midi, nous mangeâmes ensemble. C’est à ce moment qu’eurent lieu les premières discussions autour d’un nouveau spectacle à imaginer. Nous avions un peu de matériel pour commencer : les pièces que le quatuor m’avait commandées, des pièces de  Travaux pratiques encore toutes fraîches et des pièces plus anciennes que Frédéric Aurier se proposait d’arranger. Les premières dates de répétitions de Si oui, oui. Sinon non furent fixées peu de temps après.

Comment s’est déroulée l’écriture ? Vous aviez déjà le texte puis la musique s’est greffée dessus ?

Albert Marcoeur : Je n’ai pas de logique de travail. Un jour, ce sera un texte qui m’amènera sur une ambiance ou une figure de batterie précise. Un autre jour, j’enchaînerai quelques harmonies au piano par exemple et je penserai à deux vers écrits il y a un petit bout de temps déjà qui me serviront de point de départ pour une nouvelle pièce. À un autre moment, le texte et la musique écloront quasiment en même temps. J’observe toutefois que le texte se greffe sur la musique plus souvent que le contraire.

Comment naissent les textes, le choix des thèmes ?

Albert Marcoeur : Dans la rue, dans le train, dans le métro, dans les cafés, en lisant les journaux, en écoutant les informations. En dressant l’oreille, en écarquillant les yeux, en provoquant telle ou telle situation parce que tous les paramètres sont miraculeusement réunis. Notre monde économique en ébullition, nos hypocrisies alimentaires, environnementales, nos mensonges éhontés, notre éthique malmenée. J’apprends ce matin que 25.000 personnes sont atteintes du sida sans le savoir. Et bien, il n'y a qu’à leur dire, non ?

Etant moi-même musicien, et étant encore attaché à une harmonie municipale, le texte de La fanfare des Laumes est incroyablement touchant et parlant… mais c’est le cas pour tous les titres. Parler du quotidien, c’est parler à tout le monde…

Albert Marcoeur : C’est Michel Nugues, ancien tubiste de la Fanfare des Laumes, qui est l’auteur de ce texte que Claude Marcœur avait enregistré lors d’un travail autour du patrimoine ferroviaire des Laumes-Alésia. Et je me suis approprié ce texte que j’ai respecté à la virgule, à la respiration près. Michel Nugues nous touche par la poésie de ses tournures, la sincérité de ses sentiments. Lorsque la poésie se nourrit de l’intellect et de la sémantique, elle devient élitiste et mieux vaut avoir un dictionnaire ou Wikipédia® à portée de la main. Lorsqu’elle s’abreuve de notre quotidien, elle devient familière.

Est-il plus facile de cacher la poésie derrière l’humour ?

Albert Marcoeur : Non, je ne pense pas. L’humour est rarement un prétexte, c’est une arme qu’il faut utiliser pas seulement pour provoquer un sourire, mais pour trancher dans le vif, pour asseoir définitivement nos incohérences. C’est vrai, je m’en sers souvent mais je ne veux rien dissimuler. Juste appuyer là où ça fait mal.

Quel est votre regard sur les musiques actuelles ?

Albert Marcoeur : J’ai toujours une oreille qui traîne en direction des musiques actuelles. Elles m’exaspèrent au plus haut point lorsqu’elles utilisent à haute dose certains effets (vocoder, delays interminables, sons synthétiques à deux balles genre "popcorn" ou Jean-Michel Jarre…). Elles me passionnent lorsqu’elles sont novatrices, culottées. Quand elles portent les valeurs du patrimoine musical accumulé jusqu’ici tout en ouvrant des portes sur des inventions enrichissantes et "poussent au crime". J’écoute en ce moment Chromb, Impérial Quartet, Jambinai et le dernier album de Radiohead. Je suis également tombé amoureux des œuvres complètes pour piano de Federico Mompou, compositeur espagnol du siècle dernier.

Etre tourné vers son époque, c’est l’être avec des compositeurs contemporains mais également vers des musiciens venant d’autres univers (comme le rock par exemple) ?

Quatuor à cordes Béla : En effet, nous vivons dans un monde ouvert à 360° et ne pas envisager en tant qu’artistes tous les champs esthétiques qui sont à notre portée (et dans nos cordes) serait négliger une grande partie de la réalité du monde contemporain.

Vous présentez un profil assez atypique dans le monde du quatuor à cordes. C’est quelque chose qui a été immédiatement réfléchi ou juste l’expression d’une envie naturelle ?

Quatuor à cordes Béla : Nous ne sommes pas les seuls, loin s’en faut à explorer les territoires larges de la musique d’aujourd’hui grâce au médium ancestral et pourtant si actuel du Quatuor à cordes. Depuis les débuts (flamboyants) du Kronos quartet et le travail herculéen de création du Quatuor Arditti, des dizaines de quatuors ont cheminé sur les sentiers aventureux. C’est certainement quelque chose de très naturel pour les musiciens de notre génération et il y a fort à parier que pour les quatuors qui ne se consacrent qu’au répertoire ancien l’envie est forte d’aller voir plus loin mais qu’il ne leur manque juste que le déclic, les clefs ou la rencontre décisive.

Vous aimez mettre en avant un répertoire moins largement diffusé, il semble donc tout à fait naturel que vous collaboriez avec Albert Marcoeur…

Quatuor à cordes Béla : En effet, la musique commerciale n’a visiblement pas besoin de nous et s’en sort très bien sans notre fulgurante compétence ! C’est donc naturellement que nous nous tournons vers des musiques plus singulières et belles. Parmi celles-ci, la musique d’Albert Marcoeur figure en bonne place ! J’ajouterai qu’Albert Marcœur est suivie par un public très fidèle et nombreux et qu’il est infiniment plus célèbre à l’étranger et représentatif de la culture française que les fugitives starlettes de l’audiovisuel français qui n’existent tout simplement plus dès que l’on passe nos frontières.

Comment avez-vous rencontré Albert Marcoeur, le connaissiez-vous avant ?

Quatuor à cordes Béla : Après avoir beaucoup écouté Albert Marcœur et nous être facilement convaincus qu’il était un créateur important dans la musique de la fin du 20ème, nous l’avons appelé au téléphone (fixe). "Allo ? Albert Marcœur ?" "Oui c’est bien moi, que puis-je pour vous ?" Il pouvait beaucoup et il l’a fait voilà dix ans maintenant que nous jouons avec bonheur la musique qu’il nous écrit.

Comment mettre de la musique sur ses paroles ? Avez-vous collaboré tous ensemble ? Comment avez-vous composé ?

Quatuor à cordes Béla : Nous n’avons pas écrit une note. C’est Marcoeur qui compose toutes ses musiques, pour lui texte et musique ne font qu’un.

 

En savoir plus :
Le site officiel d'Albert Marcoeur
Le Facebook d'Albert Marcoeur
Le site officiel du quatuor Béla
Le Soundcloud du quatuor Béla
Le Facebook du quatuor Béla


Le Noise (Jérôme Gillet)         
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