Réalisé par Elise Girard. France. Comédi dramatique. 1h10 (Sortie le 31 mai 2017). Avec Jean Sorel, Lolita Chammah, Virginie Ledoyen et Pascal Cervo.
Objectivement, "Drôles d'oiseaux" d'Elise Girard est un film où il ne se passe pas grand-chose... Sauf que ce qui s'y passe est ce qu'on appelle du cinéma.
Dans sa précédente fiction, "Belleville Tokyo", la cinéaste avait installé un ton bien à elle, dessiné des personnages peu diserts qui prenaient le temps du film pour se mettre à exister.
Comme Valérie Donzelli dans "Belleville Tokyo", Lolita Chammah a une existence en pointillé au début de "Drôles d'oiseaux". Etrangère à son environnement, elle fait la moue dans un Paris qu'elle connaît à peine. Mais elle va se rattraper en répondant à une improbable petite annonce et atterrir chez un étrange libraire incarné par Jean Sorel, plus bougon que jamais.
Il faudra, un jour, s'interroger sur tous ces libraires qui ne vendent pas de livres dans des films où leur librairie est le pivot de l'intrigue. On sait par John Le Carré que derrière tout libraire il y a un espion qui dort (souvent au premier degré). Celui qu'interprète Jean Sorel n'échappe pas à cette règle non écrite.
Sauf que chez Elise Girard, il serait plutôt un ancien activiste politique, genre Brigades rouges ou ETA. Homme de désordre qui empile les livres, il est l'ange gardien de la jeune fille perdue qui, elle, aurait tendance à les ranger...
Mais que se passe-t-il donc dans ce film ? Bien sûr, il y a le plaisir inattendu de retrouver Jean Sorel, que l'on n'avait guère vu sur grand écran depuis "Les enfants du placard" de Benoît Jacquot, où il semblait anticiper le rôle qu'il tient dans "Drôles d'oiseaux".
Plaisir aussi d'en savoir plus sur Lolita Chammah, qui semble enfin à l'aise dans les pas de sa maman star, à qui elle n'a jamais tant ressemblé.
Ah ! On avait même oublié l'essentiel, ce qui donne son titre à ce film : des oiseaux tombent mystérieusement du ciel... Et quand on écrit "tombent", c'est lourdement, de façon à s'écraser comme des galettes.
Ce que réussit très bien Elise Girard, c'est une topographie parisienne personnelle. Pas un plan dans ce road-movie parisien quasi immobile, qui ne montre un petit bout de Paris comme jamais on ne l'a montré. Anti-clichés, ce Paris peu à peu nourrit Mavie, remplit les vides de Mavie, transforme Mavie. Car, autre étrangeté, qu'on avait oublié de préciser, le personnage de Lolita Chammah s'appelle Mavie !
Et l'on n'aura alors aucune excuse si l'on ne remarque pas qu'elle va rencontrer un jeune homme incarné par Pascal Cervo, et qui se prénomme... Roman... Dans "Drôles d'oiseaux" d'Elise Girard, on peut que la vie est un roman pour Mavie et Roman...
Pur joyau de l'art et essai français, dont on croyait l'absence de recettes perdue, "Drôles d'oiseaux" est le film le plus rafraîchissant, le plus moderne qu'on ait vu depuis bien longtemps.
Moderne parce qu'il existe sans recette de premier de la classe, sans prétendre renverser la table avec des images jamais tournées et des propos jamais tenues.
Sa simplicité, sa modestie, sa manière de s'occuper du destin d'une jeune femme merveilleusement quelconque en font tout le charme et le prix. "Drôles d'oiseaux" d'Elise Girard est un drôle de film fait pour des drôles de gens, ceux qui aiment un cinéma dont le seul effet spécial est de rendre heureux sans qu'on sache vraiment pourquoi.
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