L’excellence des compilations thématiques (autour du punk, de la cold wave, du psychédélique, du post-punk…) et la capacité ressusciter les oubliés de l’industrie musicale de Born Bad Records n’est plus à démontrer, et ce Disque la Rayé 60’s French West-Indies Boo-Boo-Galoo en est une preuve supplémentaire.
Ces titres rares enregistrés entre la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique incarnent le bouillonnement musical des Antilles des années 60 (déjà mis à l’honneur chez Soundway Records, Strut Records, Frémeaux & Associés, Soul Jazz Records…). Une effervescence riche de sources d'inspiration, Les Antilles ayant toujours été un carrefour des musiques, qu'elles soient latines ou nord-américaines, mêlées dans des rythmes et des mélodies traditionnels, fruits d'un mélange plus ancien de cultures Africaines et Européennes. On peut donc aisément y entendre dans les années 60 de la biguine, Kompa et cadences, jerk, du rhythm & blues et autres yéyés tropicalisés, et le boogaloo du spanish harlem. C’est donc sur ce dernier genre musical que ce concentre cette compilation orchestrée par Julien Achard et Jean-Baptiste Guillot.
Comme la plupart des styles de danse, le règne du boogaloo, terme qui fut utilisé pour la première fois par le musicien Ricardo "Richie" Ray n'a duré que quelques années, remplacé ensuite par la salsa, mais à cette époque, à partir du milieu des années 60 environ, son influence s'est répandue dans le monde entier. Mélange de musique afro-américaine (rhythm & blues, rock & roll, jazz, funk, Doo-wop et blues) et de musique latine (surtout de mambo, pachanga et de cha-cha-cha), le boogaloo naît à New-York et permet la réunion des communautés afro-américaines et hispaniques. D’abord chanté en Espagnol, avec des paroles souvent plutôt drôles, son passage à la langue Anglaise puis un effet de mode lui permettra d’irriguer rapidement le monde entier et notamment les Antilles. Bang! Bang! de The Joe Cuba Sextet en sera le premier tube en 1966 mais le vrai succès arrivera avec Pete Rodriguez et "I Like It Like That".
Il ne faut pas non plus occulter le fait que si le Boogaloo est une musique et une danse, c’est aussi un moyen d’expression identitaire. Si rien n’est jamais simple, cette compilation permet de renseigner sur la tournure que prendra ce genre musical aux contacts des musiciens créoles. Le boogaloo se métissera au contact de la biguine, du mambo, de la gwoka et du calypso, de genres plus Européens (valses, quadrilles, polkas, mazurkas, menuets mais également yéyé et rock & roll à la Française…) et se confrontera au Kadans et à la cadence-lypso qui donnera plus tard le Zouk. Une hybridation favorisée par une politique d’immigration entre les îles et le continent menée par le gouvernement Français de De Gaulle, portée Michel Debré et le BUMIDOM (Bureau des migrations des départements d’Outre-mer) en quête de main d’œuvre.
Pour Aimé Césaire, cette politique favorisant l’émigration des Afro-descendants des départements d’outre-mer vers la France en leur faisant croire à une vie meilleure mais qui n’obtinrent que des emplois médiocres sera un "génocide par substitution". Il permettra par contre à quelques jeunes musiciens comme Fred Aucagos, leader des Vikings par exemple de découvrir Eddy, Dick et Johnny au golf Drouot et de revenir les oreilles pleines de cette musique, un ampli et une guitare au pays.
Disque la Rayé 60’s French West-Indies Boo-Boo-Galoo plonge dans cette musique aussi riche rythmiquement (syncopes, alternances de temps forts / temps faibles, contretemps emprunté au rock, temps non isochrones (lent / lent / vif / vif)) aux tourneries dansantes et hypnotiques que mélodiquement (avec ces accords venant du rhythm & blues, du doo-wop ou de la soul). La musique de votre été pour ne pas danser con.
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