Tous les ans, j'inaugure mon report des Eurockéennes de la même façon, évoquant et mes pieds, foulant le sol du Malsaucy, et mon esprit, libéré, délivré, retrouvant un enthousiasme juvénile, et les Eurocks, mon festival de cœur. Pour cette édition 2017, rebelote, bis repetita, on prend les mêmes et on recommence, avec l'envie de toujours bien (et mieux) faire, le tout la bière à la main.Il y a désormais du pèlerinage là-dedans. Un soleil de plomb m’accueille, le site se révèle intelligemment repensé (la Loggia est déplacée et c'est parfait pour tout le monde, on le verra), l'ambiance est déjà là dès l'ouverture du festival ce jeudi (quel chouette public, quand même, aux Eurocks), mon cœur bat la chamade, crie de bonheur et se dit « déjà... ».
Si bien qu'on se trémousse d'emblée avec l'excellent Serge Bozon, inédit et bien trouvé DJ de ces Eurocks (puisqu'il est dans la vie réalisateur et acteur), qui fait l'accueil des festivaliers avec de petits mix des familles, vinyles en main et sourire aux lèvres.
On entre immédiatement dans le vif du sujet avec les splendides Archie and the bunkers. A eux deux (synthé + batterie), ces deux frangins encore mineurs assurent parfaitement la transition avec mon dernier festival (Europavox) : ils émergent sévèrement, on les découvre béatement et on dispense discrètement la bonne parole autour de soi. Ça se présente comme du garage rock sur le programme, mais c'est plus complexe que ça, ça se déhanche comme du rockabilly, ça renverse les micros et ça fait chavirer le synthé comme du bon vieux grunge, ça frappe la batterie comme si c'était une question de vie ou de mort version punk, et ça a déjà le sens merveilleux du scénique qui accroche et qui plaît comme un parfait groupe de rock'n'roll : bref, ça joue du « hi-fi organ punk », comme disent ces petits de Cleveland, et pour ouvrir ces Eurockéennes, c'est exactement ce qu'il nous fallait.
De fait, The Lemon Twigs, qui dispense un rock beaucoup plus vintage et poli fait un peu pâle figure face aux survoltés d'Archie and the Bunkers ou aux frétillants latinos de La Chiva Gantiva qui font leur loi sur la Grande scène... Comme souvent, avec The Lemon Twigs, je redécouvre ici un groupe merveilleux à écouter mais peu utile à regarder, dont la musique sait créer une atmosphère que j'adore, mais dont le scénique assomme d'emblée par sa fixité... Une grosse déception qui ne me fera rester que quelques titres, préférant retrouver mes (nouveaux) anglais préférés, ceux de Shame. Concrètement, indoor (au festival Europavox) ou outdoor (ici même), mon impression reste la même : du rock'n'roll brut, engagé et no limit, celui qui s'affranchit des bienséances et de la justesse parfois, et qui cherche à donner au public un souvenir mémorable et percutant.
Ensuite, rien. Trou noir dans lequel sombre l'autotune de PNL qui tourne à plein régime sur la Grande scène, couvert par les cris hystériques des groupies musicalement égarées. On s'éloigne donc le plus possible en allant voir Kévin Morby à la Plage. L'Américain, étiqueté « rock indé », privilégie les ballades bien pensées et les mélodies aériennes. C'est très beau, se dit-on, mais ça reste, s'avoue-t-on également, profondément soporifique.
Heureusement, le bout du tunnel est proche, puisque les merveilleux Soulwax entrent en scène. Une scène en noir et blanc, saturée de musiciens (trois sur batteries, quatre sur « circuit analogique »), dont, excusez du peu, Igor Cavalera, tous plus absorbés les uns que les autres par un son rigoureusement léché – atout de cette superbe structure, mi-maison de poupée, mi-prison dorée. Soulwax devient, en quelque minutes, l'épicentre d'un évident tropisme des corps de festivaliers... Ça s'approche, ça bouchonne, ça pousse, ça danse : rien de plus concret pour confirmer nos excellentes impressions (et le fait que nous soyons grande, grande fan des 2 Many DJ's a fait le reste).
Mais le clou de la soirée, c'est Iggy Pop, pardi. C'est bien simple : c'est LA leçon de rock'n'roll de la journée (de ta vie ?), incontestablement. Et pour t'en mettre plein la vue, pourquoi ne pas commencer par un petit « I Wanna be your dog » déchaîné, où Monsieur Pop descend de scène pour palper du public ? Bien sûr, l'énergie est toujours là, les titres sont tous des tubes hurlés par cœur, et si la voix d'Iggy Pop s’enraye, parfois, on ne se dit pas que c'est le début de la fin mais plutôt le résultat d'une vie au service du rock'n'roll et de la scène. Le mythe est bien vivant !
Exit la petite Jain timide des premiers temps ! Exit les tremolos dans la voix quand il faut s'adresser au public ! Ce concert de Jain aux Eurockéennes est pour moi la preuve d'une spectaculaire affirmation scénique et une confirmation que son electro a quelque chose – une âme, pour résumer - qui accroche immédiatement et la rend sympathique. Coup de chapeau à Jain qui, pour l'instant, réussit à passer entre les gouttes du commercial... |