Comédie dramatique conçue par la Compagnie Demesten Titip, d'après des oeuvres de Dostoïevski et John Kennedy Toole, mise en scène de Christelle Harbonn, avec Adrien Guiraud, Marianne Houspie, Solenne Keravis, Blandine Madec et Gilbert Traïna.
"La gentillesse" proposée par la Compagnie Demesten Titip, qui élabore ses projets théâtraux à partir de personnages romanesques avec la plume et sous la mise en scène de, et présentée comme "un vagabondage" autour de "L’Idiot" de Dostoïevski et de "La conjuration des imbéciles" de John Kennedy Toole, déroute, surprend, trouble et déconcerte ce qui n'est pas le moindre de ses qualités.
Et ce, dès la vue du plateau, époustouflante scénographie de Laurent Bourhis, qui, avec la carcasse dorée d'un canapé copie d'ancien, un dais de lambeaux de papiers, tissus et plâtre qui ne cesse de se déliter et une suspension de fils à la Annette Messager, le plateau, évoque une salle de musée d'art moderne dédié à l'art contemporain avec des installations d'art conceptuel.
D'ailleurs, l'impression ne s'avère pas totalement fantaisiste puisque l'opus commence par une scène dans laquelle un personnage (Gilbert Traïna), artiste engagé caractériel et misanthrope, tortille lesdits fils afin d'achever son oeuvre représentant "les entrelacs des systèmes capitalistes" avec l'aide d'une jeune femme, une gourde expansive (Blandine Madec), qui l'emmène dans sa famille pour le sortir de sa misanthropie.
Une famille bourgeoise désargentée et psychotique, Donald Coupland également n'est pas loin, composée de la mère fantomatique, éternelle dormeuse éveillée (Marianne Houspie), et d'une autre fille, introvertie et tourmentée (Solenne Keravis), et pétrifiée dans un monde parallèle jusqu'au jour où arrive un étrange "visiteur" (Adrien Guiraud) venu "pour faire connaissance" qui va bouleverser l'ordre familial sur le mode métaphysique du "Théorème" de Pier Paolo Pasolini.
L'ambivalence des personnages qui peuvent être considérés comme des handicapés de la vie au sens où ils ne s'intègrent ni ne se conforment aux moules sociétaux post-modernes tout comme des individus en quête de sens qui passerait par la découverte d'une certaine éthique morale, celle de la gentillesse comme qualité d'ouverture au monde, à la vie et à l'autre.
Si la narrativité respecte la linéarité chronologique, elle se déploie en une succession, parfois elliptique sans toutefois que la cohérence globale ne soit affectée, de scènes-tableaux traitées de manière surréaliste avec des inserts ressortant au théâtre de l'absurde, pour la plupart, stupéfiantes par leur esthétisme et dans lesquelles le dire est indissociable du rôle des corps dans leurs comportement et leur langage.
En chef de choeur inspiré, Christelle Harbonn dirige au cordeau un quintet de comédiens émérites pour exécuter cette partition pour instruments désaccordés qu'aucune fausse note ne vient troubler. |