Matt Suddain
(Editions Au Diable Vauvert) avril 2017
Un énorme bouquin plein de promesses, à emmener au milieu de nulle part : Théâtre des dieux, de la grande l’aventure dans toutes les dimensions. Premier roman de Matt Suddain, journaliste néo-zélandais. Ambitieux tant par le volume que par le sujet traité, le roman vaut le coup d’œil rien que pour l’univers qu’il construit.
Entre récit d’exploration et trip spatio-temporel, Théâtre des dieux raconte l’expérience de Francisco Fabrigas, explorateur dingue et génial, persuadé d’avoir traversé les dimensions pour se retrouver dans un monde identique à celui qu’il vient de quitter. Pris à parti par une reine obstinée et solitaire, il échappe (à son grand regret) à la peine de mort dans le but de réitérer son premier exploit : traverser les mondes.
Pour se faire, il dispose d’un vaisseau et son équipage invraisemblable. Un adolescent en est le capitaine, une botaniste la frigide de service et un passager clandestin à la peau verte (hyper recherché par la police de tous les royaumes) sont les principaux antagonistes de l’aventure. Auxquels il faut ajouter un enfant sourd apte à contrôler l’électricité, des aristocrates à la bouche pincée et des criminels chipoteurs.
"Nous en sommes donc là : sur un navire d’idiots piloté par un adolescent dangereusement instable et transportant une horde de monstres et d’hypochondriaques imbibés de rhum."
Sponsorisé par une marque de rhum explosif (un bon marin n’a pas le foie délicat), l’équipage pas toujours lucide traverse des paysages rocambolesques, pas toujours comestibles. Poursuivis par le Pape de l’Univers (le grand méchant), les aventuriers devront faire preuve de sang-froid et de beaucoup (beaucoup !) d’imagination (c’est en ces circonstances que le rhum devient pratique pour contrer une attaque pirate).
Dans un monde où l’humain voit ses membres dysfonctionnant par des prothèses en silicone, les pensées sont tantôt bioniques, tantôt humanistes. Ce qui fait pencher Théâtre des dieux du côté du conte philosophique. En effet, Fabrigas se pose parfois comme spectateur de cette improbable odyssée où la proie devient le prédateur et les origines de la vie deviennent la cause de la chute.
Et ce n’est pas tout, créé de toutes pièces par Matt Suddain, le roman est un prodigieux recueil de déconnade psychédélique. Entrecoupé de planches publicitaires promouvant les produits placés dans le décor de l’aventure, l’auteur propose également une Petite Page de Calme en fin d’ouvrage : "Si vous avez peur et avez besoin d’un moment pour reprendre vos esprits", page dans laquelle vous serez encouragés à imaginer des choses adorables comme des chatons et de jolis univers.
Ironique et truffé de second degré, Théâtre des dieux est une vaste aventure dans le no man’s land de la science-fiction cosmique. Ingénieux et fortement imbibé de substances oniriques, Matt Suddain balaye le genre d’une plume vibrante et certainement dopée au suc de courgette clandestine. Délicieux.
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