Dans les années 60, grâce à Formes utiles, une association née de l'UAM, l'Union des Artistes Modernes créée par l'architecte Robert Mallet Stevens auquel le Centre Pompidou consacre une exposition rétrospective en ce moment même, la France découvre l'esthétique industrielle, ancêtre terminologique du design né au Etats Unis dans les années 30 avec Robert Loewy.
Longtemps le design, instrument de technologie et de marketing, bien que sous tendu par une démarche créative méthodique, a été perçu comme un alibi destiné à faire vendre le produit car "La laideur se vend mal" disait Raymond Loewy. Or, depuis quelques années, la théorie du design connaît une profonde évolution voire mutation qui rend difficile l'élaboration d'une définition et d'une discipline uniques.
Avec le nouveau design, englobant non seulement tous les aspects du design, du produit au graphisme, mais aussi l'architecture, le design radical privilégiant le sens sur la forme et l'idéologie sur l'image, le designer ayant un engagement politique et social, le design art plutôt élitiste, le design a étendu son champ de réflexion, d'investigation et de création pour devenir un véritable pont entre le monde de l'art et celui de l'industrie.
L'exposition D.DAY propose de jeter un regard sur l'état du design contemporain en rassemblant une centaine de projets conçus par des designers de toute nationalité.
Elle se déroule sous forme de parcours en quatre étapes pour illustrer les engagements politiques, les scénarios critiques, les expériences sensorielles et les imaginaires technologiques. Impossible de tout résumer sans verser dans le catalogue. Aussi, voici quelques pistes.
A l'entrée, les premiers espaces consacrés à l'environnement et la mondialisation présentent les créations inattendues dans le domaine de l'action humanitaire et du développement durable avec par exemple les distillateurs d'eau, les cuiseurs solaires ou le dispensaire nomade.
Les fonctions traditionnelles du design connecté à la consommation ne sont pas ignorées avec le graphisme, avec la revue américaine indépendante "Emigre", et la valeur ajoutée à des produits dont seule compte la valeur d'usage. Il en est ainsi des ustensiles de cuisine (l'Atelier culinaire de Luki Huber) ou des téléphones portables (l'incontournable Motorola revu par Pininfarina). Ensuite, pourquoi ne pas laisser vos pas vous guider ?
Vous vous attarderez sans doute dans la salle consacrée au design sensoriel qui propose des sollicitations multiples. Le nez en l'air vous admirerez les microtubes fluorescents d'Ark Levy ou les variations lumineuses des Light objects de Carlotta de Bevilacqua.
Après avoir humé les parfums dégagés par le diffuseur d'odeurs, prenez le temps de vous arrêter dans la petite alcôve qui abrite les Fruits de parfums de Gwenael Nicolas.
Les mobiles réalisés avec des flacons desdits parfums sont animés de mouvement qui diffère selon la fragrance. L'objet "désigné" devient sujet d'une nouvelle création qui l'érige en objet d'art.
Le design s'installe aussi dans la sphère sociologique avec la plate forme Ground 01 d'Olivier Peyricot et la sollicitation de l'imaginaire et du fantasme comme les Evidences dolls d'Anthony Dunne et Fiona Raby qui concrétisent des expériences sexuelles féminines.
Ludiques, vous vous installerez dans le salon d'interface musical de Matali Crasset où confortablement assis dans un fauteuil acidulé vous programmerez tactilement un arbre à sons. Vous tuerez le temps avec les joysticks en formes de pistolets reliés à un réveil vintage de Rogers Ibars ou vous exercerez vos talents avec la bombe à grapher du Studio Digit qui est en réalité un capteur à ultra-sons permettant de dessiner ou d'écrire en lumière.
Cette exposition permet donc de découvrir les innovations tout en proposant au visiteur une certaine interactivité. Cela explique sans doute le sourire ravi de celui-ci que l'on rencontre dans chaque espace, signe d'un exercice réussi.
Le design s'expose…aussi à votre réflexion. |