Spectacle circassien conçu par Nikolaus Holz, mise en scène de Christian Lucas, avec Mehdi Azema, Pierre Byland, Ode Rosset et Nikolaus Holz.
Clown, jongleur, acrobate, Nikolaus Holz fait partie de cette génération formé au CNAC (Centre National des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne) qui a fait évoluer le cirque pour en faire une discipline multidisciplinaire mêlant théâtre, danse et burlesque.
Héritier de Grock et de Laurel et Hardy, mais aussi de Jacques Tati et de Pierre Étaix, il charrie beaucoup d'éléments en vue d'une fusion spectaculaire, poétique et loufoque.
Pour y parvenir, il n'est pas seul et s'appuie sur une petite troupe qui partage ses codes. A commencer par les jeunes et fougueux Mehdi Azema et Ode Rosset, prêts à détruire avec sa bénédiction ce qu'il a patiemment construit.
Nikolaus Holz s'est aussi adjoint son maître, Pierre Byland, qui l'a formé et déformé à l'art clownesque et qui, ici, assure l'essentiel de la partie parlée ainsi que la partie musicale à l'aide d'un piano baladeur sans fausses notes.
"Le Corps utopique" pourra déconcerter parce qu'il part du saturé d'une salle de réunion étouffante de conformisme pour aller vers un monde où les échafaudages servent à déconstruire et les agglos à détruire. Pas facile de remplir du vide, encore moins de déblayer du plein pour en faire un champ de ruines habitées par l'utopie.
Le spectacle de Nikolaus Holz paraîtra ainsi souvent décousu parce qu'il se refuse aux liens faciles et choisit la discontinuité du discours de Pierre Byland et des actions acrobatiques et autres jongleries de ses partenaires.
Au fond, "Le Corps utopique" de Nikolaus Holz est l'opposé ascétique de la proposition surchargée qu'était "Grande" de Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel
Il y a quelque temps, on avait parlé de "Paris pieds nus", le film de Dominique Abel et Fiona Gordon, eux aussi embarqués dans ce mélange des genres et générateurs de spectacles fusionnels. C'est dans cette mouvance qu'on classera le travail plein de déperditions, mais aussi de fulgurances, de Nikolaus Holz.
Son refus de la facilité qu'était l'enchaînement crescendo des numéros dans le cirque d'antan n'est pas sans risque, mais l'art de se casser la figure est au cœur du "Corps utopique".
Il ne s'agit pas de ramasser les rires que pourraient accumuler ses néo-Branquignols mâtinés de Deschiens, mais d'ouvrir les portes d'un autre monde, pas forcément celui de la "magie du cirque", plutôt celui qui n'a pas peur du mot "utopie "auquel il contribue à ses risques et périls à rendre sa force et sa dignité. |