"You ready, Briggs ?"
C’est par le biais de mon père que j’ai découvert Neil Young. Nous n’écoutions pas beaucoup de disques à la maison, la seule musique qui y résonnait était le basson que je travaillais tous les jours, mais il possédait une très belle platine vinyle et quelques albums.
Un jour pas comme les autres, je devais avoir 13 ou 14 ans, en rentrant de l’école, j’ai découvert qu’il avait tout rebranché dans ma chambre et m’avait posé ses disques sur mon bureau. S’étalait devant moi des noms qui m’étaient plus ou moins connus : Atom Heart Mother, Meddle de Pink Floyd, Who’s Next de The Who, Long John Silver de Jefferson Airplane, Déjà Vu de Crosby, Stills, Nash & Young ainsi que Harvest et After The Gold Rush de Neil Young. Je les ai tous écouté cette soirée-là, prolongeant ce moment au casque jusqu’au petit matin. Combien de fois les ai-je passés cette nuit là ? Aucune idée. Mais je sais que ces écoutes auront déterminé ma future vie de musicien.
Comme un juste retour des choses, comme pour le remercier c’est donc avec mon père et un Château Lynch Bages 1995 que j’ai écouté ce disque. Je lui ai parlé de la décision de Neil Young de sortir l’intégralité (disques officiels, nombreux concerts enregistrés et disques inédits) de sa discographie en ligne. Je lui ai expliqué que ce Hitchhiker avait été enregistré en une nuit, le 11 août 1976 soit entre Zuma (1975) et Long May You Run (1976) où il retrouve Stephen Stills.
Qu’il fallait apprécier à sa juste valeur ce disque où le Canadien était au sommet de son art ou presque, mais dans une période difficile entre alcool, herbe et poudre blanche (le fait qu’il se trouvait trop défoncé dans ses interprétations est l’une des raisons de la mise au placard de ce disque), seul à l'Indigo Ranch Studio (quel son tout en rondeur !) à jouer des titres d’une incroyable beauté, à poil musicalement juste avec sa guitare, son piano et son harmonica, dans la forme la plus simple, rappelant Bob Dylan ou Woody Guthrie.
Lui dire que sa charge contre Nixon dans "Campaigner" est tristement toujours d’actualité et que les fans auront déjà écouté tous ces titres ou presque, le plus souvent dans des versions sensiblement différentes comme sur l’album compilation Décade (1977), American Stars’n Bars (1977), Comes a Time (1978), Rust Never Sleeps (1979) jusque Le Noise (2010) (il est même assez intéressant de comparer les différentes versions, les chemins esthétiques décidés).
Que c’est l'occasion d'entendre deux inédits datant de cette époque,"Hawaii" et "Give Me Strentgh", superbe déclaration du musicien à l'actrice aujourd'hui décédée Carrie Snodgress, mère de son premier fils Zeke. Quand j’ai fait écouter ces morceaux à mon père qui s’était arrêter à Harvest son sourire, son silence et son attention valaient toutes les chroniques du monde.
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