Monologue dramatique de Annick Lefebvre interprété par Marie-Eve Milot dans une mise en scène de Alexia Bürger.
Dans un déco de cuisine ravagée, une femme sans âge, large et plat visage blême, corps dissimulé dans une robe noire informe, dépiaute et déchiquette avec acharnement des agrumes dont les morceaux s'empilent sur le sol.
Impossible de ne pas penser à la femme assise de Copi, et plus encore à la comédienne et humoriste Zouc.
Et dès qu'elle ouvre la bouche pour expliquer que chacun naît avec des barbelés dans le ventre et que les siens se sont développés jusqu'à la gorge pour la condamner définitivement au silence, il est patent qu'elle se trouve en état de décompensation psychotique. Impossible de ne pas penser au protagoniste principal des films de Xavier Dolan. Elle s'exprime par une irrépressible logorrhée entre profération et imprécation contre tout, contre tous, contre le monde, et même contre son auditoire captif, en l'occurrence le public.
Intitulé "Les Barbelés" avec une pseudo-métaphore christique entre la ronce artificielle et l'épine, ce monologue violent et hystérique porte la parole d'un personnage psycho-sociopathe en situation "état-limite", campé de manière terrifiante par Marie-Eve Milot, dont les conflits psychiques internes résultant notamment de la combinaison d'un vécu douloureux, d'une hypersensibilité exacerbée, d'une intolérance à la frustration et d'un empêchement d'être qui sont dévoyés en fustigations contre la société et l'ordre moral.
Il est signé par la dramaturge québécoise Annick Lefebvre, qui indique dans sa note d'intention "Me servir de ma force de frappe socio-politique revendicatrice pour la mettre au service d’une tragédie contemporaine non dénuée d’une charge dénonciatrice", au terme d'une écriture qui rappelle celle post-punk à la Virginie Despentes des années 1990
Rien de nouveau donc sous le soleil fut-il d'outre-Atlantique. |