Dès le premier jour du festival au Fort de Saint Père, les festivaliers sont fidèles au rendez-vous pour une affiche impressionnante puisqu'elle réunit, excusez du peu, The Wedding Present, Yo La Tengo, Mercury Rev et The National.
En ouverture, deux nouveaux venus ont décroché la timbale : Art Brut et Alamo Race Track.
Art Brut
Art Brut, c'est d'abord une galerie de portraits : 5 membres de look et d'attitudes tellement différents au point qu'on se demande bien quel est leur plus petit commun dénominateur tel par exemple Mickey B, le batteur, dandy blond qui joue debout parce que cela ne lui mouille pas les fesses (dixit lui-même en conférence de presse) et Chris Chinchilla, à la guitare, qui a l'air d'un comptable anglais et Eddie Argos aux faux airs de chanteur d'opérette.
Leur album Bang Bang Rock & roll fait un tabac et en live le public devient vite accro, le morceau punchy "Formed a band" remportant un beau succès. Condensés de clichés, leurs textes sont plus harangués que chantés sur des mélodies pop-rock parfois punkisantes par un groupe qui ne se prend pas au sérieux.
Eddie Argos, le chanteur, en chaussettes grises, chemise rose et petite moustache à la Don Diego , il a une belle vitalité et s'immerge dans la foule dès la deuxième chanson.
Il a le sens de la scène et de la pose, fait l'avion et finalement s'amuse bien sur scène. Il scande à tour de bras des leitmotivs qu'il faut prendre au second degré notamment quand il s'agit de "Art Brut Top of the pops !" et qu'il y inclut Yo La Tengo et The Wedding Present. Un groupe à suivre.
>>>la conférence de presse de Art Brut Alamo Race Track
Jusqu'à présent, contrairement aux floralies, la Hollande n'exportait guère ses musiciens à douter même de l'existence d'une scène musicale batave.
Entre Dave et De Kift, il y a bien eu Bettie Servant et les Nits, mais la scène pop rock actuelle n'est pas encore parvenue jusqu'à nous et Alamo Trace Rack en sera peut être la tête de pont.
Bien épaulé par les musiciens, dont Guy Bours à la batterie dont on se rappellera facilement le visage et l'énergie, le chanteur, auteur des textes, Ralph Mulder, a un physique de Lee Majors jeune avec un air à la fois plus arty et torturé, une voix sensuelle partant facilement dans les aigus ("I want you").
Son réel charisme qui en font le frontman d'un groupe qui, entre The Doors et Joy Division, alterne ballade et rock après avoir bien assimilé le meilleur de la pop contemporaine.
>>>La conférence de presse de Alamo Race Track
The Wedding Present
The Wedding Present, le groupe de David Gedge, est revenu sur les feux des projecteurs cette année avec l'album Take fountain.
David Gedge a gardé sur scène ses allures d'adolescent et c'est sur les premiers larsen d'"Interstate 5" qu'il entre en scène. Un concert net, sans bavures, mais avec cassage de cordes, dans lequel il offre aux festivaliers une relecture de tous ses meilleurs morceaux de Hit Parade à Watusi en passant par Bizarro pour un "Kennedy" particlièrement survolté. Le concert s'achève sur un époustouflant final "Dalliance/Dare" et toujours sans rappel.
20 ans de carrière, un concert qui sonne un peu comme un concert d'adieu. Mais David Gedge aime la scène donc il ne faut pas désespérer.
>>>La conférence de presse de David Gedge
Yo La Tengo, qu'il joue dans un club ou un festival, sait toujours adapter sa prestation à l'ambiance et à l'ampleur du public. Aujourd'hui, le trio Ira Kaplan, Georgia Hubley et James McNew a joué leurs meilleurs titres, des morceaux anciens, tels "Stochholm syndrom" ou "Motherfucker" alors qu'ils sont en cours d'écriture d'un nouvel album, tant pour satisfaire leurs fans que pour éveiller la curiosité des jeunes festivaliers qui tombent vite sous le charme.
Chacun passant au chant sans qu'il y ait de rupture, capable de chorégraphie (chuap, chuap), leur musique est résolument moderne et inimitable. Au final, Ira Kaplan se lâche complètement sur sa guitare, jusqu'à presque lui faire rendre âme, en un long corps à corps.
L'excellence !
>>>La conférence de presse de Yo La Tengo Mercury Rev
En 1999, Mercury Rev avait subjugué le public français avec Deserter's song et son audience n'avait fait que croître au rythme d'albums qui ont trouvé une place de choix dans le rock indie jusqu'au tout dernier luxuriant Secret Migration. En live, la personnalité introvertie mais étonnante sur scène de leur chanteur-leader Jonathan Donaghue donnait une belle scénographie aux morceaux mélancoliques et éthérés.
Leurs derniers concerts en France es concerts donnés récemment en France, en première partie de Nick Cave en novembre 2004, puis en tête d'affiche à l'Elysée Montmartre en mars 2005, avaient enthousiasmé notamment par l'aspect très incarné de la prestation de ce dernier, qu'accompagnait de manière heureuse et singulière la musique aérienne du groupe.
Ce soir Jonathan Donaghue s'est envolé vers des stratosphères "peace and love", avec projections de maximes ad hoc en fond de scène en début et fin de concert, et enlisé dans une sorte de théâtralisation grandiloquente omniprésente au détriment du concert.
Ses mimiques d'"illuminé" et ses arc-boutements permanents ont frisé le ridicule sauf à les considérer comme partie inhérente d'un show qui pourrait s'accommoder alors de n'importe quel fond sonore.
Une déception donc qui ne doit cependant pas remettre en cause le talent d'un groupe qui n'a pas dit son dernier mot et qui a produit de véritables merveilles.
The National
C'est à The National qu'il est demandé de clôturer cette première soirée et le public est fidèle au poste.
Car, The National est comme le bon vin, il se bonifie en vieillissant, et à chaque album on découvre des saveurs nouvelles sans que les fragrances antérieures aient disparu.
Avec trois albums et un EP, Alligator étant le dernier sorti, ce groupe américain a su envoûter la France qui lui est désormais, et presque inconditionnellement, acquise.
Pour reprendre les mots d'un festivalier : "Il s'est passé quelque chose !" ce soir là au cours d'une excellente prestation n'encourant aucune critique.
The National réussit la symbiose totale entre des musiciens dotés d'une forte personnalité musicale, des guitares virtuoses (Bryce Dessner et Scott Devendorf), une basse ravageuse (Aaron Dessner) et le violon inspiré et frénétique de Padma Newsome, dont la présence sur scène est maintenant permanente, autour d'une rythmique imparable menée par Bryan Devendorf et un chanteur-auteur charismatique, Matt Berninger, à la voix singulière qui peut se faire aussi douce qu'elle peut partir en cris puissants et dont les textes sombres voire parfois hallucinés gagnent en densité à chaque album.
A côté des morceaux plus anciens ("Murder me Rachel", "Cherry tree", "Lit up"), qui sont déjà devenus des classiques, The National a joué ses nouvelles compositions qui nous emmène dans les tréfonds d'une âme torturée ("Baby we'll be fine", "All the wine", "Friend of mine"..) pour un concert sans faille.
Swell, considéré par beaucoup comme le plus grand groupe du monde, peut être sera-t-il détrôné par The National |