Comédie circassienne conçue par le Cirque Le Roux, mise en scène de Charlotte Saliou, avec Gregory Arsenal, Lolita Costet, Philip Rosenberg et Yannick Thomas.
Dès son entrée dans le monde du cirque contemporain avec leur premier opus "The Elephant in the Room", le Cirque Le Roux, se démarque - et se remarque - tant par la pertinence d'une conception opérant dans l'hybridation des différents arts de la scène que par sa virtuosité d'exécution.
Cette réussite tient à ce que ses fondateurs, Gregory Arsenal, Lolita Costet, Philip Rosenberg et Yannick Thomas, équilibristes émérites qui ont fait leurs gammes au Circus Monti et au sein du Collectif Les 7 Doigts de la main, ont misé sur l'unité de discipline circassienne - l'acrobatie au sol, main à main et mât chinois - et fédéré les talents et compétences pour élaborer une véritable "comédie circassienne".
Ainsi, ils opèrent en quatuor comme les fameux mousquetaires dumassiens. Plus précisément trois mousquetaires et Milady qui, transposés dans la Café Society étasunienne des années 1930, sont entraînés dans une sombre intrigue amoureuse placée sous le signe des contraires, celui du burlesque et du roman noir.
Entre cinéma, théâtre, pantomime, music-hall et comédie musicale, celle-ci se déploie en véritables tableaux construits comme des scènes dramatiques qui, avec la collaboration du chorégraphe Brad Musgrove, subliment les prouesses techniques tout autant qu'ils suscitent un trouble imaginaire sous les clairs-obscurs lumineux de Hervé Dilé.
Car la sulfureuse et machiavélique Betty (Lolita Costet), archétype de la femme fatale, diaphane blonde platine croqueuse d'hommes et de fortunes, nourrit de sombres desseins à l'encontre de son colosse de mari (Yannick Thomas), naïf épousé du jour, et, en présence d'un invité équivoque (Philip Rosenberg) et d'un valet qui ne l'est pas moins (Grégory Arsenal) la nuit de noces va s'avérer celle de tous les dangers voire de tous les fantasmes.
Nonobstant la phase d'exposition qui ne pâtirait pas d'un léger resserrement, d'autant que l'iconographie de référence résulte clairement de la scénographie conçue par Grégory Arsenal et Philip Rosenberg et des costumes confectionnés par Emily Ockenfelds et Clarisse Baudinière, le spectacle est rondement mené sous la créative et rigoureuse direction de Charlotte Saliou.
Et l'habillage musical élaboré avec sagacité par Alexandra Streliski à partir de compositions originales mais également de standards d'époque, de Duke Ellington à George Gershwin, et de thèmes fameux à la signature prestigieuse, telle celle d'Ennio Morricone pour souligner la rivalité masculine, participe à la cohérence de l'ensemble d'une percutante beauté plastique.
Sur scène, en solo, duo, en pas de deux dans un registre comique, homoérotique ou amoureux, en trio vitaminé ou de manière chorale dans les points d'orgue que constituent la scène de bal sur une valse viennoise qui se clôt par une pluie d'abat-jour et s'enchaîne sur une époustouflante bacchanale dionysiaque avant l'éblouissant final en forme de "gunfight", les officiants s'avèrent impressionnants par leur maîtrise technique qui s'épanouit avec grâce et fluidité.
Etourdissant et magnifique.
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