Thierry Maugenest, traducteur et romancier, passionné par le XVIIIème siècle, a suivi les traces d’Etienne de Silhouette dans les archives pendant deux ans pour écrire une biographie enlevée d’un homme d’exception haut en couleur, peu connu du grand public, qui aura mené une audacieuse politique égalitaire. Il exhume donc, dans son livre publié aux éditions de la Découverte, une grande figure du XVIIIème siècle, Etienne de Silhouette, philosophe des lumières, homme d’Etat, ministre des finances de Louis XV qui osa supprimer les exemptions fiscales pour l’aristocratie, taxer le luxe et la finance pour soulager le peuple.
Issu d’une famille aisée, Etienne de Silhouette est le fils d’Arnaud de Silhouette, haut justicier et trésorier principal des guerres. Ayant suivi une brillante formation chez les jésuites, il devient bachelier à seize ans et se passionne rapidement pour les lettres. Rapidement, il prend conscience de la nécessité de rééquilibrer les richesses de la société, notamment au travers de la pensée de Confucius dont il va dévorer l’intégralité de son œuvre.
Il part alors pour un long périple au travers de la France puis de l’Europe, qui va donner naissance à une vocation politique, particulièrement à partir du moment où il prendra conscience qu’écrire des livres ne suffira pas pour établir une justice sociale dans son pays. Ses voyages lui permettront de rencontrer le pape à Rome, le grand duc de Médicis à Florence. Il se rendra aussi en Espagne, pays de ses ancêtres, en Catalogne et à Séville, avec à chaque fois la confirmation qu’il doit œuvrer pour l’égalité sociale dans son pays. Il se rend ensuite en Angleterre, à Londres, où il va être banquier et se familiariser aux rouages du système financier qu’il entend combattre le moment venu. En même temps, ayant intégré le corps diplomatique, il espionnera aussi les forces militaires anglaises avant de rédiger un rapport sur la menace militaire britannique.
Pour accéder au pouvoir, il se rapprochera de Madame de Pompadour, maiîresse du roi Louis XV, et proche des philosophes des lumières qu’elle avait coutume de rassembler dans son salon. Thierry Maugenest nous livre alors de savoureuses anecdotes, prouvées par des extraits d’archives. On apprend notamment que Montaigne soumettait ses écrits à silhouette avant de les publier.
On voit ensuite comment Silhouette prend sa place en politique, d’abord commissaire général auprès de la commission des Indes pour devenir ensuite ministre des finances en 1759. Une fois ministre, sa politique va ébranler Versailles. Il veut taxer les riches pour soulager les indigents et moraliser la vie politique.
Thierry Maugenest nous explique enfin sa chute, comment on le tue politiquement. Ridiculisé, évincé, calomnié, rien ne sera épargné à celui qui réunit contre lui la noblesse, la finance et le parti dévot qui tentent de le bannir de l’histoire de France. Avec un sens inné de la communication, la noblesse décidera de répandre le nom commun silhouette pour faire oublier l’homme hors du commun.
En 1788, "Silhouette" fait son entrée dans le dictionnaire des noms communs, la langue française retenant son patronyme pour désigner un portrait dessiné de profil. Si le nom propre est longtemps demeuré dans l’ombre, le nom commun a toujours pris la lumière. Il jouit même d’un succès international, figurant dans les langues les plus parlées au monde.
En France, "silhouette" et avec "poubelle" (qui vient du nom d’un préfet) l’exemple le plus utilisé pour expliquer ce qu’est une antonomase, une figure de style dans laquelle un nom propre finit par devenir un nom commun. Maigre consolation pour celui qui voulait changer le monde…
A travers un livre passionnant qui se lit avec la même facilité qu’un roman, Thierry Maugenest nous propose donc un ouvrage sur ce grand oublié de l’histoire de France. Il lui redonne vie, le temps de l’ouvrage et rend hommage et justice à son audacieuse politique égalitaire. |