Comédie dramatique d'après le roman éponyme d'Olivier Bourdeaut, adaptation et mise en scène de Victoire Berger-Perrin, avec Anne Charrier, Didier Brice et Victor Boulenger.
Dans l'appartement cosy et gentiment rétro où trône un portrait de colonel prussien, la petite famille vit à cent à l'heure. Il faut dire que la mère (aux prénoms différents chaque jour) fait souffler un vent de folie et de liberté sur le trio.
Racontée par le fils, "En attendant Bojangles" retrace la vie extraordinaire de cette famille où l'imagination est aux manettes, où la fête et la gaîté sont permanentes. Ceci pour éloigner le plus possible les démons de la mère. Le tout rythmé par "Mr. Bojangles" chanté par la voix mélancolique de Nina Simone.
En adaptant le best-seller d'Olivier Bourdeaut, Victoire Berger-Perrin a su faire preuve du plus grand respect pour le texte. Conservant fidélement la trame du roman, elle a réussi à donner à cette adaptation scénique un souffle qui s'amplifie jusqu'au final.
Si la grande densité de monologues n'aide pas forcément le spectacle à pouvoir décoller dans la première partie, tenu qu'il est par la narration, il gagne en revanche à toute la fin où le rythme va crescendo et sans verser à aucun moment dans le mélo, une force qui fait s'étrangler le spectateur d'émotion.
Le moteur de l'histoire c'est incontestablement la mère. farfelue et explosive. Il fallait une comédienne capable de jouer avec la même sincérité le feu de vivre, et sa folie tout à la fois. Avec sa gouaille et son sourire ravageur, Anne Charrier entraîne le spectateur dans un tourbillon merveilleux. Elle est bouleversante.
Didier Brice, dont le personnage est plus posé mais doit se mettre au diapason de son phénomène de femme, parvient avec une sobriété confondante et un humour omniprésent à faire passer toute une gamme de sentiments. La grande classe.
Quant à Victor Boulenger, incroyablement touchant, réussissant la performance de jouer l'enfant avec sobriété et crédibilité, il fait preuve d'une vraie puissance dramatique et conte avec grand talent cette belle histoire.
L'écriture d'Olivier Bourdeaut s'amuse avec ses personnages, fait rimer les mots et donne à ce drame l'élégance de la fantaisie pour parler de la folie planante comme les grandes ailes d'un oiseau nommé "Mademoiselle Superfétatoire". La poésie, l'humour et le drame mêlés rappellent à la fois des auteurs comme Queneau ou Boris Vian dans "L'écume des jours".
La mise en scène illustre avec délicatesse ce grand récit tragique sur l'amour fou, proposant de sublimes images (les lumières de Stéphane Baquet sont magnifiques) et prenant tout son sens au fur et à mesure que l'histoire avance. Victoire Berger-Perrin a su trouver le juste registre pour retranscrire sur scène avec le même mélange de légerété et de gravité le ton du roman.
La pétillance et l'amour qui se dégagent d'"En attendant Bojangles" touchent incontestablement au coeur. Et à en croire les applaudissements fournis et l'émoi des spectateurs, le spectacle est bien parti pour un triomphe mérité. |