Comédie dramatique de Joëlle Fossier, mise en scène de Anne Bouvier avec Bérengère Dautun, Sylvia Roux et Nathalie Mann.

Dans "Compartiment fumeuses", la dramaturge Joëlle Fossier use de la promiscuité carcérale comme cadre d'une rencontre entre deux femmes, rencontre sans doute improbable dans la vie, qui va permettre à l'une de se reconstruire et à l'autre de se construire au travers d'un amour inattendu.

Suzanne, bretonne, fille de marin pêcheur, à la vie précaire, récidiviste pour délits mineurs, dure au coeur tendre qui s'est tannée le cuir, connaît toutes les règles et failles de la prison et surtout celle de la "matone" qui a un faible pour elle.

Elle règne dans "sa" cellule et ne se prive pas d'affranchir Blandine, la nouvelle venue, du "beau linge", femme de bonne famille à particule, inculpée de meurtre, celui du père incestueux, qui l'obsède, qui n'oppose aucune résistance, tout en étant désarçonnée par sa fragilité et son désarroi. Et de paroles en confidences, se révèle une sororité profonde.

A la mise en scène, avec l'esquisse de cellule pénitentiaire réalisée par Georges Vauraz et substituant l'approche quasi poétique des sentiments à l'outrance réaliste, Anne Bouvier souligne la grande humanité et la pudeur sensible de la partition et le beau travail de lumières de Denis Korensky.

Dans un rôle de composition, Nathalie Mann campe parfaitement le personnage dichotomique soumis à haute tension entre l'intime et la fonction "surveiller et punir" dont elle incarne l'autorité et l'arbitraire.

Avec un jeu de force tranquille, Sylvia Roux s'avère époustouflante en baroudeuse revenue de tout dont le rêve de larguer les amarres constitue l'unique viatique pour traverser les épreuves.

A ses côtés, Bérengère Dautun, grande dame de la Comédie Française, prête sa silhouette éthérée, sa grâce infinie et son immense talent d'interprète à la femme minée par une impossible résilience.

Comédiennes émérites, elles subliment ce bouleversant huis-clos que l'auteure a dédié à "toutes les femmes qui résistent, s’affranchissent, aspirent à briser leurs chaînes et gagnent leur liberté".