Les filles sages vont au paradis, les autres vont où elles veulent
(InTempo Musique) février 2018
"Sans cesse bombardées par le même refrain. / Si t’es pas bonne à marier, fille, t’es bonne à rien / Surveille ton poids, surveille ton langage et répond "oui, papa" et reste bien sage. / Les filles sages servent à décorer les salons. / Les plus jeunes et jolies servent à vendre le savon / Celui qui mousse, mousse, mousse la libido des acheteurs de bonbons. / Le prochain qui me dit : "mais le sexe vend !" reçoit mon poing au menton. / Si le sexe vendait vraiment, on penserait à la moitié des acheteuses et acheteurs qui préfèrent les garçons. / Le sexe ne vend pas, mais la soumission..." ("Egalité de papier").
Voilà que le décor est planté. Samuele décomplexe la femme avec cet album féministe mi-spoke mi-sing : Les filles sages vont au paradis, les autres vont où elles veulent. Son accent de Montréal passe vite au second plan quand son langage universel devient criant de vérité. Egalité de salaire, préjugés et principes du seizième siècle, romantisme et héroïsme, Samuele démonte ces comportements sociaux pièce par pièce, note par note, morceau par morceau.
D’un premier titre dénonciateur et sans provocation, Samuele file vite dans les chants de cotons avec un son diablement blues et entraînant. Entre folk et cordes, elle montre du doigt les fragilités d’un système corrompu par l’égocentrisme de ses concepts misogynes. "Il était une fois une princesse autonome / Qui vivait dans l’attente d’absolument personne," "Pas envie, pas le goût d’être la moitié d’un tout" ("La sortie").
Ah, furieux capitalisme phallocrate, que n’ai-je succombé à tes tentations socialistes ? Non, Samuele ne fait pas de politique, mais elle fait partie des rares artistes qui osent le courage de leurs pensées, et vont jusqu’au bout de ce qu’elles affichent. Ici, c’est depuis qu’on a joyeusement tranché la carotide du dernier consanguin qui tenta de monter sur le trône Franc, que la loi salique n’est plus en vigueur. Et pourtant, naître femme et prétendre à l’indépendance n’est pas toujours apprécié. Que ce soit pour aimer ou pour se battre, les préconçus ont souvent la belle vie dans les regards des incapables.
Sans ostentation, sa musique est cristalline et pudique quand elle chante l’amour ("Dactylo"), et devient mordante quand la douleur pointe ses flèches en sa direction ("La révolte"). Qu’elle chante ses peines est une chose, qu’elle nous ôte les mots de la bouche en est une autre. "J’ai des poèmes pleins les doigts / ça déborde des cahiers / toutes les strophes parlent toi / tous les vers / tous les pieds / si t'es ok avec la triche / j’invente un vocabulaire / je t’écris des chansons d’amour que je te chanterai jamais" ("Tous les blues").
Les cordes s’arrachent à la quiétude et s’envolent comme la passion fait perdre la raison, des cuivres s’invitent et donnent du relief aux morceaux, puisant dans les hurlements silencieux des courageux.
"Je joue comme une fille. Je joue bien, je joue fort. Et je ne m’excuse pas de prendre le décor". Samuele, fabuleuse poète et musicienne.
Le printemps, les giboulées de mars, les balades au soleil ... la vie presque parfaite s'il n'y avait pas tant de méchants qui font la guerre. Pour se détendre, cultivons nous !. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.