Le Centre Pompidou a profité de la fermeture alternée des deux étages du Musée National d'Art Moderne (MNAM), rendue nécessaire pour la rénovation du système anti-incendie, pour élaborer une exposition exceptionnelle qui, à travers 850 œuvres, propose une "nouvelle lecture de l'histoire de l'art comme champ ouvert à l'expérimentation".

Il en résulte une exposition pluridisciplinaire dense et très riche dans laquelle le 20ème siècle est envisagé comme le siècle du Big bang pendant lequel l'art s'est complètement renouvelé selon un schéma de destruction créative.

Dans un siècle troublé par la guerre, de la destruction à la construction-déconstruction pour aboutir au réenchantement, les artistes explorent toutes les voies de l'archaïsme et de la subversion, puisant également leur énergie dans la mélancolie et le sexe.

Côté logistique, des cartels explicatifs pour chaque salle et un guide gratuit d'une vingtaine de pages permettent au visiteur de suivre pas à pas, avec intelligence et accessibilité, un parcours balisé en huit grandes étapes au sein desquelles les oeuvres font l'objet d'un regroupement thématique.

Une exposition à voir et à revoir, en prenant le temps de se poser dans chaque salle que nous vous proposons de découvrir en deux épisodes : le big bang conduisant au ré-enchantement et les forces créatrices.

Au début régnait la destruction

Revendiquant tout simplement la liberté, les artistes se sont affranchis des diktats de l'académisme pour faire de l'art un véritable terrain d'expérimentation et tous les mouvements artistiques du 20ème siècle ont travaillé la forme en partant de sa destruction.

Cette destruction vise bien évidemment en premier lieu le sujet, l'homme, dont le visage et le corps est soumis à toutes les distorsions ("Three figures in a room" de Francis Bacon derrière "Femme se coiffant" de Julio Gonzales).

La métamorphose de l'homme moderne passe par la défiguration qui atteint d'abord le visage ("Les vases communicants" de Diego Rivera).

Ne reste qu'une vague forme humaine ("Autoportrait "pour la période bleue d'Yves Klein) rescapée du chaos final pétrifié ("The clamdigger" de Willem De Kooning avec en arrière plan les corps incandescents flottant dans le néant de "Duueh" de Daniel Richter)

voire mutant (Thomas Schutte), parcellaire ("Mes vœux" d'Annette Messager) ou ectoplasmique ("Starfinger angel" de Bruce Conner).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La destruction intervient également au niveau des formes ("Number 26 A Black and white" de Jackson Pollock)

 

 


 

et de la couleur qui tend au monochrome. ("Plaster surrogates" d'Akkan Mac Collum).

 

 

 

 

Les formes se troublent pour céder le pas à la rigueur géométrique ("Auf Weiss II" de Kandinsky et salon de Marcel Breuer).

Le passage à l'horizontal ("Expansion n°14" de César) et la définition de l'espace géométrique ("Stack" de Donald Judd) imposent la grille comme système structurant

De ce chaos naîtront l'abstraction et la notion d'art total pour instaurer une nouvelle vision du monde.

Puis est venu le temps de la construction-déconstruction

L'énergie constructrice passe souvent par des procédures physiques violentes, de la compression ("Compression Ricard" de César, "La valise transport d'humains" de Didier Fiuza Faustino) à l'éclatement ("Les éclats" de Buren, "Chopin's Waterloo" d'Arman, "Tir" de Niki de Saint Phalle).

Elle emprunte également des voies théoriques en s'intéressant à des représentations inédites comme l'irrationel résultant de l'aléatoire ("L'oeil cacodylate" de Picabia), le bouleversement du réel avec l'échelle aberrante ("L'âne vêtu d'une peau de lion" de Raymond Haines) ou le jeu du miroir,

 

l'anti-forme par l'utilisation du mou (Robert Morris Wall Hanging Piero Gatti Sacco, Barry Flanagan Casb 1'67),

 

 

 

 

le dépassement des couleurs pour voguer vers avec l'abîme libre blanc défini par Kasimir Malévitch ("Chapter de Robert Ryman, "Achrome" de Piero Manzoni et "Superficie angolare bianca  n°6" d'Enrico Castellani).

 

 

La représentation a cédé le pas à la conceptualisation qui se veut également sollicitation permanente du spectateur.

Vers le réenchantement

L'exposition referme le livre du voyage dans l'art du 20ème siècle avec l'installation visuelle et sonore "Five Angels for the Millenium" de Bill Viola qui propose au visiteur de s'immerger dans une expérience sensorielle de ressourcement.

Et Picasso, Giacometti, Chirico, Dali et Sonia Delaunay et les autres? A vous de les retrouver au fil de d'exposition.