Comédie dramatique d'après un roman de James Baldwin, adaptation et mise en scène de Elise Vigier, avec Ludmilla Dabo, William Edimo, Jean-Christophe Folly, Nicolas Giret-Famin, Makita Samba, Nanténé Traoré et les musiciens Manu Léonard et Marc Sens.

Elise Vigier propose une transposition scénique du roman "Just above my head"de l'écrivain et dramaturge américain James Baldwin, figure emblématique du Mouvement des Droits Civiques, publié en France sous le titre "Harlem Quartet".

Celui-ci consiste en une chronique familiale, amicale et musicale dans le Harlem des années 1950-1970 qui, sur fond d'Amérique encore ségrégationniste dans les faits, explore, de manière intime, les thèmes de l'amour, la musique, la violence, la fraternité, la liberté, la famille, la quête identitaire et de la figure du "nègre".

Traumatisé par la mort subite et tragique de son cadet Arthur (Makita Samba), chanteur reconnu, "un noir musicien et homosexuel qui était un type bien", Hall Montana (Jean-Christophe Folly) se remémore sa destinée ainsi que celle des adolescents unis par l'amour et le goût du gospel - Julia Miller (Ludmilla Dabo), prêcheuse évangéliste prodige, Jimmy (Nicolas Giret-Famin) son jeune frère, de Crunch (William Edimo) - qui gravitaient autour de lui.

Avec la collaboration de Kevin Keiss à la traduction et à la dramaturgie, elle a procédé à une adaptation libre afin, indique-t-elle dans sa note d'intention, de privilégier certains chapitres et de les ordonner dans un voyage mémorielle dans la vie des principaux personnages afin de placer la partition dans le spectre d'une dramaturgie de la mémoire.

Elle a donc opté pour le théâtre fragmentaire et la structure en tableaux qui permettent de matérialiser des circonvolutions mnésiques qui n'obéissent pas à une linéarité spatio-temporelle et, par ailleurs, s'inspirant du travail du cinéaste lituanien Jonas Mekas sur le genre cinématographique du journal filmé, pour le registre du docudrame.

Ainsi, sont compactées scènes dialoguées, récit monologué en adresse au public et projections tant documentaires avec des photographies et des images d'archives que des vidéos fictionnelles contemporaines (création de Nicolas Mesdom) qui se déroulent sur une bande-son composée par Saul Williams, Manu Léonard et Marc Sens jouée en direct par ces derniers.

Pour assurer l'hybridation des genres, Yves Bernard a conçu un décor très abouti qui a le défaut de ses qualités. En effet, il repose sur un imposant ensemble de panneaux noirs dont la mobilité permanente, s'il satisfait à la fonction d'écrans de projection, de cloisons délimitant divers espaces de jeu et de représentation de l'espace mental du narrateur, concourt à une chorégraphie scénographique omniprésente qui de surcroît impacte la durée du spectacle qui ne pâtirait pas d'un resserrement.

Cela étant, sous la direction émérite de Elise Vigier, les comédiens jouent parfaitement, et à l'unisson, le jeu avec une mention spéciale à l'excellent Jean-Christophe Folly sur lequel s'arcboute cette fresque incarnée.