Réalisé par Ritesh Batra. Grande Bretagne. Drame. 1h48 (Sortie le 4 avril 2018). Avec Jim Broadbent, Charlotte Rampling, Harriet Walter, Michelle Dockery, Matthew Goode, Emily Mortimer et Oliver Maltman.
De mémoire de spectateur, on n'a pas vu film plus anglais depuis "Quatre mariages et un enterrement" et "Coup de foudre à Notthing Hill".
Avec un plus conséquent, "A l'heure des souvenirs" de Ritesh Batra est tiré d'un roman de Julian Barnes, ce qui veut dire que l'on peut compter sur lui pour avoir bâti à la fois une intrigue originale et surtout ne pas avoir couché des mots sur le papier uniquement par envie de divertir son public.
La vie de Tony, magnifiquement interprété par Jim Broadbent, immense acteur britannique connu pour être le papa de Bridget Jones dans la série de films qui lui sont consacrés, dépasse l'anecdote et est une plongée sans concession dans l'âme de quelqu'un qui croit avoir raté sa vie.
Construit sur de nombreux flash-back, pas sans rapport avec "Le Ciel attendra" dans lequel Don Ameche, lui aussi, racontait une vie qu'il croyait tellement moche qu'il voulait sans autre forme de procès rejoindre l'Enfer, "A l'heure des lendemains" ravira ceux qui aiment les bougons, ceux qui en sont restés à l'argentique et qui rêvent encore de vivre le grand amour avec celle qu'ils auraient pu ou dû aimé cinquante ans plus tôt.
Le plus étonnant dans ce concentré d'"anglicité", c'est que son metteur en scène est né dans le joyau de l'empire britannique, bien après son indépendance, et qu'il paraît maîtriser tous les codes de la riante Angleterre avec une aisance rare.
Au point que son Londres n'est jamais un Londres de cartes postales, qu'il le décline dans sa modernité et qu'il se permet aussi de le décrire dans ses recoins les moins connus de banlieue, sans jamais céder aux images conventionnels.
Tout comme son précédent film, "The Lunchbox", donnait un visage très séduisant d'une grande ville indienne, "A l'heure des souvenirs" montre un pays qui respire à l'aise dans ses traditions et prêt aussi à les revendiquer comme mode de vie à proposer au monde entier.
On ne racontera pas la quête de Tony, celle qui va le remettre sur les pas de Charlotte Rampling.
Faut-il, à plus de soixante-dix ans, éclaircir les mystères non résolus ? N'est-ce pas une source de désenchantements infinis de découvrir qu'on est passé à côté d'une autre vie ?
"A l'heure des souvenirs" de Ritesh Batra répondra en temps utile à toutes ces questions peut-être inutiles.
Ce qui est sûr c'est que ce "feel good movie" fera du bien à tous les pareils de Tony, qui cachent sous un sale caractère un cœur d'or que leurs proches font semblants d'ignorer pour ne pas contredire cette fausse misanthropie qu'ils affectionnent.
Si l'on voulait rajouter une petite touche incorrecte à l'heure du Breixit, dont le film pourrait être une parabole, et qu'il est de bon ton de condamner au nom d'une Europe incritiquable, on verra dans le film de Ritesh Batra une vraie bonne raison pour que les Anglais se battent pour rester éternellement Anglais.
Que Tony vende des Leica à l'ère des selfies numériques, coincé entre deux magasins modernes, et à un âge où la retraite a depuis longtemps sonné pour lui, en fait un vrai personnage romanesque, de ceux de qui, au bout du compte, on pourra simplement dire, mais avec une sincère admiration : "Il a bien vécu et il a beaucoup aimé". |