Impromptu théâtral conçu par Christine Weber avec des textes de Victor Hugo interprété par Jacques Weber et Magali Rosenzweig.
Victor Hugo c'est "Dieu le père" qui a marqué d'une empreinte indélébile la littérature du 19ème siècle en pratiquant tous les genres, de la poésie à l'épopée en passant par le théâtre, tous les styles, du lyrisque au romantique, et de tous les engagements, de l'écriture à la députation.
Christine Weber a puisé dans le foisonnant thésaurus hugolien pour composer, non une lecture ou une partition monologale, mais, selon le genre des miscellanées, un impromptu théâtral sur mesure pour un comédien en liberté comme une petite forme dispensable dans des lieux alternatifs en proximité avec l'auditoire, d'où le titre "Hugo au bistrot".
Le comédien c'est Jacques Weber qui n'incarne pas Hugo, même si sur l'affiche il reprend la pose pensive du lion nonagénaire telle que photographiquement immortalisée par Nadar, mais reprend à son compte ces morceaux choisis avec une admiration évidente qui n'exclut pas une bienveillante lucidité iconoclaste exercée à bon escient comme par exemple sur certains vers de "Ruy Blas".
Deux lignes de force se dégagent de la partition. D'une part, l'amour, avec l'amour pour Juliette Drouet à qui Magali Rosenzweig prête voix, l'ode à l'amour paternel, de sang pour ses enfants ou d'adoption pour Jean Valjean qui le découvre en Cosette, et l'amour grand paternel de celui qui a composé "L'art d'être grand-père".
D'autre part, l'humanisme avec le combat politique mené par Hugo contre la misère, l'esclavage et le statut de femmes, causes pour lesquelles son souffle lyrique saisit encore aujourd'hui et résonne avec une acuité toujours d'actualité.
Par ailleurs, sont instillés des intermèdes avec des anecdotes cocasses telles celle de Mademoiselle Mars refusant de dire le fameux hémistiche du lion dans "Hernani" ou le terrible portrait de Madame de Chateaubriand dont un sourire a été vendu fort cher au jeune Hugo désargenté, des découvertes comme "La pâquerette" extrait du recueil de notes et mémoires "Choses vues" et des inserts contemporains inattendus tels un extrait des "Paroles de smicards" recueillies par Philippe Claudel ou des chansons de Brassens.
Acteur qui fait la scène buissonnière, stature imposante, toison blanche et scansion modulable au gré de l'émotion ou de l'indignation, Jacques Weber s'empare de la partition avec délectation et instaure une bienvenue interactivité avec le public notamment quand il dispense une mini-master classe de décryptage et d'interprétation sur "L'expiation" relatant la retraite napoléonnienne.
Un plaisir partagé.
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