Parvenir à faire trembler un certain Stephen King au détour d’une lecture n’est pas une mince affaire. Lui-même le dit très bien sur la couverture de Possession, "sachez que pour me faire peur, il faut se lever de bonne heure". Pari réussi donc, pour Paul Tremblay, que l’on annonce déjà comme le nouveau Stephen King avec son premier livre traduit en français, dont la page de couverture, particulièrement intrigante, donne envie d’aller lire ce qui a touché autant le King.
Beverly, banlieue de Boston, Massachussetts, une famille ordinaire, les Barett. Dans cette famille ordinaire, Marjorie, quatorze ans commence à manifester les symptômes d’une étrange schizophrénie. Des évènements de plus en plus angoissants se produisent, contraignant la famille, un peu désemparée face à cette situation, à solliciter l’aide d’un prêtre qui pense trouver la solution par l’exorcisme. Ses consultations chez un psy n’ont rien arrangé et la situation empire.
En manque d’argent, les Barett acceptent l’offre généreuse d’une chaîne de télé qui leur propose de suivre en direct les évènements. Très vite, l’émission de téléréalité rencontre un succès important jusqu’à son interruption sans explication, du jour au lendemain. Que s’est-il passé dans la maison des Barett ?
Le livre est franchement flippant, construit autour de personnages particulièrement inquiétants issus d’une famille désemparée. Paul Tremblay nous fait suivre l’histoire du point de vue d’une jeune enfant de 8 ans, Merry, la sœur de la fille "possédée". Sa construction est simple et efficace, autour de deux parties, une première digne des grands films d’horreur, dans laquelle l’auteur développe une atmosphère angoissante à souhait et une deuxième qui vire au thriller pour nous emmener vers un final incroyable.
Dans la première partie, on se retrouve véritablement plongé dans l’histoire de cette famille qui va connaître l’horreur. On est spectateur de cette descente aux enfers, un peu comme si l’on regardait un film. Il nous décrit un père qui sombre petit à petit dans le fanatisme religieux, une mère de plus en plus perdue et une sœur qui se transforme petit à petit en un personnage inquiétant. Face à cela, Merry est vite perdue et impuissante. Paul Tremblay arrive à donner une dimension visuelle à son écriture qui renforce les effets d’épouvante sur nous. Il en profite aussi pour parsemer des références à des films d’horreur que les amateurs reconnaîtront rapidement.
La deuxième partie, flippante aussi qui, pour moi, révèle la véritable qualité du livre, nous fait changer de camps. On ne vit plus la situation du côté de la famille mais de l’autre côté de la caméra, celle de l’émission de téléréalité. L’auteur décortique les mécanismes de ces émissions à la mode de façon très critique. On y découvre (au travers des extraits d’un blog) ses dessous, ses manipulations, la recherche d’audimat qui n’a que faire du malheur et de la détresse des familles. On comprend, même si on le savait déjà que, des images choisies, des témoignages découpés donnent une meilleure dimension sensationnelle à une émission.
On va, au final, comprendre au fil des pages ce qui s’est réellement passé dans cette maison, savoir si Marjorie est vraiment "possédée", tout cela de façon habile car l’auteur va prendre un malin plaisir à jouer avec nos nerfs, nous laissant croire, à un moment que le mystère est résolu avant de retourner la situation pour mettre à mal nos certitudes.
Avec Possession, Paul Tremblay parvient à jouer parfaitement avec notre rythme cardiaque en maîtrisant parfaitement le suspense de son ouvrage au sein d’une ambiance particulièrement oppressante et angoissante qui font que l’on comprend mieux pourquoi et surtout comment il a su faire hérisser le poil de Stephen King.
Possession est donc un livre qui mêle horreur et thriller avec perfection et intelligence, un livre incroyable et déconcertant qui embarque le lecteur dans un huis-clos angoissant dont la fin nous laisse dans un état de sidération absolue. Un vrai coup de cœur.
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