En toutes occasions, le Journaliste doit savoir sortir des clichés et des lieux communs. La Suède en est le meilleur exemple.
Pays du Nord, non loin des fjords, pas loin de tout et près de rien, la Suède n'est pas que le pays des Vikings qui pêchent du saumon et arborent de magnifiques chevelures argentées.
C'est également un pays où les femmes sont toutes blondes, pulpeuses, aux sous-vêtements inexistants, prenant autant de plaisir à écouter ABBA qu'à astiquer leur meuble facile à monter en moins de dix minutes (et sans notice), tout en se remémorant les meilleurs souvenirs de leur idole nationale, Bjorn Bjorg. Jay-Jay Johanson n'a de suédois que l'origine. Trop rapide et polymorphe pour se prêter au jeu du cliché, excepté sur papier glacé, l'homme du Nord peut se vanter d'avoir abordé tous les genres. De l'électro jazzy du début (Whiskey) aux sonorités germaniques (Antenna), ne reste qu'une voix, chaude comme un soleil froid, aussi mélancolique et atypique qu'un suédois sur une plage de Californie.
Rush, dernier opus en date, brouille encore une fois les cartes et redonne encore une fois du fil à retordre au journaliste réducteur qui ne verrait en Jay-Jay que le crooner blanc des soirées branchées. Prenant le parti de l'impromptu, le chanteur poursuit en 2005 son épopée électro, en creusant un peu plus le sillon de l'électronique. Si le premier titre ("Rush") fait illusion et renvoie aux premières amours du chanteur, la ballade langoureuse et sensuelle, ce n'est que pour mieux préparer à l'auditeur à une lente pénétration dans son nouvel univers fait de dance-floors et de highlights.
Résolument 80', et sans honte, Jay-Jay Johanson enfonce avec Rush le clou du revival en empilant les couches de synthés et les plugins. Si le grand suédois ne cache pas son admiration du travail des Daft Punk, il laisse encore moins de place au doute sur amour du kitsch avec une poignée de chansons taillées pour les clubs et les déhanchements frénétiques. Parfois à la limite du plagiat ("Teachers" et sa basse à la "Easy Lover " du sieur Phil Collins…), mais la voix toujours aussi perchée, Jay-Jay vire disco sur "Because of you" et ses guitare très Chic à la Nile Rodgers.
L'auditeur l'aura compris, les synthés suintent par tous les pores de l'enceinte. Chics et pas chers, les claviers sont donc la clef de voûte d'un album soul dans l'esprit et le corps. Certes, les amoureux du début risquent fort de regretter les influences de Portishead et la mélancolie suédoise.
Sans être inoubliable, Rush restera sans doute comme l'album récréatif de Jay-Jay, une parenthèse qui hésite entre la danse et le slow, l'humour et l'émotion, sans cacher les influences Daft Punk époque Discovery. Rock guimauvé ("I.O.U my love") ou instrumentale second degré ("Forbidden words"), Jay-Jay fait donc son coming out 80', sans demie mesure.
Beaucoup de courage, une chanson magnifique ("Rock it" et ses claviers aériens) et au final un retour aux sources soul réussi pour le suédois bohème. |