Comédie de Sibylle de Montigny d'après le roman éponyme de Jean-Paul Didierlaurent, mise en scène de Sibylle de Montigny et Jessica Boutan Laroze, avec Marie Jocteur, William Lottiaux, Sibylle de Montigny, Swan Nymphar, Eliot Partaud, Grégoire Roqueplo et Sophia Zaïdat.
Prenez, à la manière d'un inventaire prévertien, un grand dadais, une demoiselle rêveuse, un carreau de carrelage mural, un poisson rouge antropomorphe, une plante en pot, une barre de métro, quelques "tantologies" ressortant à l'aphorisme familial et un journal intime égaré.
Mettez en scène de jeunes comédiens formés aux Cours Acquaviva dont la fraîcheur de jeu ravit et vous obtenez une comédie romantico-poético-surréaliste intitulée "Le liseur de 6h27" qui résulte de la très réussie adaptation par Sibylle de Montigny du roman éponyme* de Jean-Paul Didierlaurent.
Les spectateurs qui ont lu cet épatant opus paru en 2014 retrouveront son univers de conte moderne d'une facture qui évoque celle de "L'Ecume des jours" de Boris Vian et les autres seront séduits par cette proposition qui, immanquablement, incite à sa (re)lecture.
En sus, la mise en scène de Sibylle de Montigny et Jessica Boutan Laroze s'avère astucieuse, comme souvent dans les productions modestes, mais qui sied parfaitement en l'espèce pour laquelle toute scénographie, décorative ou illustrative, ne pourrait que nuire à la magie suggestive de l'imaginaire.
Quelques accessoires et leurs savoureuses trouvailles suffisent d'autant qu'elle est confortée par un jeu physique du comédien incluant le théâtre du geste et un travail sur le rythme et la dynamique chorale qui renvoient à la pédagogie de Jacques Lecoq.
Donc, il était une fois un jeune homme introverti (William Lottiaux), vivant seul avec son poisson rouge (Grégoire Roqueplo). Préposé au pilonnage des livres dans une usine de recyclage du papier, il leur rendait un hommage posthume chaque matin au cours de son trajet en RER en lisant à voix haute, et dans l'indifférence générale, quelques feuillets rescapés de l'autodafé littéraire.
Et il était une fois une "demoiselle-pipi" (Swan Nymphar) qui relatait avec sagacité et humour ses observations et tribulations dans le pré-carré des commodités d'un supermarché et les chaussetrappes de la vie. Il lit, elle écrit, se rencontreront-ils ?
Avec Marie Jocteur et Sibylle de Montigny (les vieilles dames), Sophia Zaïdat (la tantine) et Eliot Partaud (le collègue alexandrophile), la troupe de la jeune Compagnie Circée inscrit à son actif une épatante et réussie première création, qui apporte, selon une expression consacrée, un peu, et même beaucoup, de poésie dans un monde de brutes.