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Une vie dissonante  mai 2018

"Branca’s sound was the most radical, intelligent response to punk and the avant garde I’ve ever seen" Lee Ranaldo

Le 13 mai dernier s’éteignait dans un anonymat presque assourdissant Glenn Branca, l’une des figures les plus emblématiques de la scène expérimentale de la fin des années 70.

Après quelques années d’études à l’Art Performance de Boston, il va fonder différentes formations, et notamment les excellents Theoretical Girls. Il va ensuite collaborer avec plusieurs artistes d’une scène alors foisonnante, bouillonnante, tels que Rhys Chatham, les futurs membres de Swans, Helmet ou Lee Ranaldo et Thurston Moore des Sonic Youth.

L’empreinte que Glenn Branca va laisser, en une poignée d’albums essentiels mais aussi et surtout au travers de performances gigantesques, et impressionnantes est immense. En effet, ses travaux basés notamment sur les micro-intervalles, les open-tuning, les guitares préparées, les dissonances, les harmonies chargées et complexes ou l’héritage important d’Harry Partch vont bâtir une musique singulière et novatrice qui ne manquera pas d’influencer la scène No-wave balbutiante. De nombreux musiciens vont rapidement admirer son travail, au sein des Theoretical Girls, à l’instar de la future Sonic Youth Kim Gordon.

Après quelques expériences de groupes, Glenn Branca va fonder le Glenn Branca Ensemble, composé de quatre guitares, d’une basse et de percussions. L’une des principales singularités de la musique de Branca est de rendre ses sonorités agressives sans avoir pour autant recours à des distorsions, alors largement utilisées. La multiplication de guitares aux accordages divergents, jouées à intervalles réguliers mais le plus souvent décalées les unes par rapport aux autres formait un mur du son impressionnant et inédit, pas tant dans le fond que dans la forme et l’écartait de toutes notions modales ou tonales. Il y avait aussi cette envie indéniable de s’écarter du punk, de non pas s’entendre simplement comme bruitiste mais bien comme une nouvelle façon de faire sonner la guitare et d’en montrer de nouvelles possibilités et de l’inscrire dans une musique savante.

Héritière autant de Luigi Russolo que de Terry Riley ou La Monte Young, la musique de Glenn Branca va s’abandonner sur les rives du minimalisme et de la répétition, et sera pensée pour de grandes, voire de très grandes formations de guitares électriques. Deux membres de Sonic Youth, Lee Ranaldo et Thurston Moore participeront aux premiers enregistrements de cet avant-gardiste et ne cesseront de répéter combien son apport a été essentiel dans leur travail. A l’écoute des disques de Swans, on peut également mesurer combien son approche de la musique a été marquante pour Michael Gira dont les récents enregistrements reprennent aussi à leur compte cette forme extrême de répétition amenant l’auditeur à la sensation d’étouffement, rendant l’écoute de ces œuvres presque douloureuse.

Après un premier EP, Lesson N°1, sur lequel nous pouvons croiser Moore et Ranaldo, et un premier LP de facture presque "classique", le fantastique The Ascension, Glenn Branca va se tourner vers ce qu’il nommera les "Symphonies". Ces symphonies se rapprochent de la performance, à l’instar du travail presque parallèle de Rhys Chatham, avec qui il collaborera notamment lors de l’enregistrement de Guitar Trio.

En plus de l’abandon de toute forme de structure mélodique, Glenn Branca s’intéresse d’avantage au son, aux différents timbres et dépasse le cadre du format pour proposer des pièces de plus en plus longues, pouvant parfois aller jusqu’à une heure de musique ininterrompue. Par ailleurs, il va également développer des orchestres toujours plus imposants, composant parfois des œuvres pour cent guitares, renforçant ainsi cette capacité à transcender sa propre musique, là où certaines oreilles n’y verront que monotonie ou agression.

John Cage, par exemple, se montrera particulièrement sceptique vis-à-vis du travail de Glenn Branca, n’y voyant qu’une forme d’agression sonore. Branca, quant à lui, confiait, à propos de ses compositions, qu’il les voyait comme "une musique qu’aucun homme n’avait écrite", évoquant également "ces séries d’harmoniques existant naturellement dans les tonalités". Paradoxalement, le compositeur avouait volontiers ne pas être intéressé par l’improvisation. Ce qu’il y a de saisissant dans sa musique, c’est de faire une sorte de "Sturm und Drang" moderne et noise, de cacher sous une masse sonore des textures, des espaces interstitiels, entre le style et le geste, où peuvent s’inscrire des éclats mélodiques. Surtout il y a cette façon de tendre vers une sorte de climax et tenter de le faire durer le plus longtemps possible, dans cette forme de tension comme un point d’orgue explosif.

L’instrument chez Branca ne relève plus simplement d’une organologie anthropotechnique (l’instrument dépassant sa simple utilité matériel) mais comme un nouveau moyen, comme une nouvelle force d’organisation de la chair sonore. La multiplicité des guitares pousse jusqu’à une certaine immatérialité (on est incapable de savoir d’où provient exactement le son) voire une des-instrumentalisation ou en tout cas une transformation de l’organologie classique en dispositif organique (la guitare n’est plus pensée comme un instrument mais comme un corps opérable au-delà du corps d’une idée).

Il peut paraître aujourd’hui difficile de mesurer l’apport de la musique de Glenn Branca (mais aussi celui de son comparse Rhys Chatham). Néanmoins, à l’écoute des premiers albums de Sonic Youth, cette influence est indéniable et majeure au point de penser parfois que la musique de Sonic Youth n’aurait pas eu une telle tournure tant les similitudes des premières œuvres du groupe avec la musique de Branca sont nombreuses.

On ne sort pas indemne de l’écoute d’une œuvre de Branca qui, par la multiplicité des guitares et des tonalités, augmente de façon graduelle mais conséquente, l’effet de phasing tournoyant et les harmonies toujours plus âpres mais riches. Par exemple, soutenir les 45 minutes de sa symphonie N°9 – L’Eve Future relève presque de la performance. En effet, ces œuvres demandent des efforts constants pour soutenir la cadence, mais aussi une forme d’abandon pour se laisser enrober par la puissance de guitares. La richesse de sa musique se dévoile peu à peu, au fil des écoutes, mais reste avare en sensations préparées. La découverte de sa musique fut un choc, plus encore qu’une révélation tant elle semblait être à la base d’une forme d’expression vénérée par toute une génération. Blanca qui nous quitte, en ce mois de mai 2018, c’est un peu la flamme de Daydream Nation qui s’éteint.

 

En savoir plus :
Le site officiel de Glenn Branca
Le Bandcamp de Glenn Branca
Le Facebook de Glenn Branca


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