Spectacle conçu et mis en scène par Vincent Macaigne, avec Sharif Andoura, Candice Bouchet, Pauline Lorillard, Vimala Pons, Rodolphe Poulain, Hedi Zada, et, en alternance Madeleine Andoura, Nina Béros et Lila Poulet. Le théâtre "semble" transformé en bastion soixantehuitard avec, dans le hall, la diffusion en boucle, à fond de décibels, d'un medley d'hymnes nationaux et, sur un mur, l'inscription "Il est désespérant d'être entre nous" façon tag dégoulinant.
Vincent Macaigne, issu de la génération X qui n'a fait que rêver de révolution, ressasse ses désillusions et se croît toujours jeune, fait son cinéma. Et sur scène, Macaigne fait du Macaigne. Créateur omniscient, il signe tout dans "Je suis un pays", texte, mise en scène et conception scénographique, visuelle et sonore.
Et surtout, il recycle. Ainsi, pour ce spectacle sous-titré "comédie burlesque et tragique de notre jeunesse passée", il reprend en le renommant un de ses textes écrit en 2004 sous influences assumées de Anton Tchekhov et Thomas Mann, non indique-t-il de manière rétrospective ou nostalgique mais "se réinterroger sur cette grande inquiétude qui était la mienne adolescent".
Pour son esthétique du désastre et du laid, il récupère des éléments scénographiques de ses précédents opus en se dispensant de leur concepteur, tels la mer de mousse de "Idiot !" et la fosse remplie d'eau de "Au moins j'aurai laissé un beau cadavre".
Et, à la manière du Nouveau Réalisme, il emprunte et détourne, entre autres, la vidéo crade caméra au poing de Frank Castorf, le bourdonnement en fond sonore de Roméo Castellucci et la provocation blasphématoire de Rodrigo Garcia, opérant un syncrétisme formel passé à la moulinette de la pantalonnade.
Sur scène, sous lumières aveuglantes, musique idéale pour les déficient auditifs tant les seniors à l'oreille un peu dure que la jeune génération née avec des intra-auriculaires greffés au tympan, des bouchons d'oreille étant gracieusement distribués pour les autres, et jets de fumigènes, de bons comédiens égarés, mais investis. Tous hurlent, à l'instar de leur "deus ex machina" depuis la régie, de manière plus ou moins audible imprécations et proférations.
Au générique, Sharif Andoura en chauffeur de salle, Candice Bouchet en stand-uppeuse à l'accent canadien qui, pendant l'heure que dure la phase d'exposition, raconte l'apocalypse pas joyeuse menée par les suppôts du capitalisme libéral, revêtant le costume de Superman, Pauline Lorillard en nouvelle Marie engrossée par des anges qui accouche d'un nouveau prophète, Hedi Zada son frère rabougri du cervelet qui va sévir dans la téléréalité trash, Vimala Pons et Rodolphe Poulain en couple royal déjanté.
Sur le plateau transformé en pateaugeoire boueuse s'englue une farce dystopique constituée de clichés sur le vivre ensemble, la société médiatique, la manipulation des masses, "la construction d'une autre Humanité" et la rhétorique de l'incarnation qui forment un indigeste cocktail "funk" qui ressort au divertissement potache.
Entre magnifique fulgurance dramatique pour certains et vacuité insondable pour d'autres, à chacun sa religion du moins pour celui qui a tenu plus de trois heures et n'a pas profité de l'invitation à pogoter sur scène pour s'éclipser. |